Une IST due aux papillomavirus

Les carcinomes oropharyngés à la hausse en Occident

Publié le 29/03/2010
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UNE FORME d’épidémie larvée fait lentement son chemin dans le monde occidental. Les carcinomes oropharyngés à cellules squameuses connaissent une incidence croissante, alors que globalement les cancers de la tête et du cou ont plutôt tendance à la régression. Un agent responsable est identifié le papillomavirus. Il est apparemment transmis lors de rapports sexuels de type orogénital.

Dans le British Medical Journal, Hisham Mehanna (Coventry, Royaume-Uni) et coll. se sont penchés sur les études épidémiologiques réalisées dans divers pays développés. Les données chiffrées confirment à la fois la montée en puissance de ces tumeurs et celle de leur origine.

Ainsi, aux États-Unis, entre 1999 et 2006, l’incidence de ces carcinomes a cru de 22 %. Elle est passée de 1,53 à 1,87 cas pour 100 000. Alors que de 1975 à 1999 elle était demeurée stable. Plus édifiant, au Royaume-Uni, entre 1989, cette fois, et 2006 les carcinomes à cellules squameuses oraux et oro-pharyngés ont augmenté de 51 % chez les hommes. Ils s’établissaient à 7 pour 100 000 en 1989 et sont arrivés à 11 pour 100 000.

Quant à l’origine virale, une enquête menée dans la région de Stockholm (Suède) l’a confirmée. Un travail rétrospectif a montré l’augmentation progressive de la présence d’un HPV dans les biopsies pour de tels cancers au cours des 30 dernières années. La positivité de la recherche virale était à 23,3 % en 1970, 29% en 1980, 57% en 1990, 68% entre 2000 et 2002, 77 % entre 2003 et 2005, pour culminer à 93 % entre 2006 et 2007. Une étude américaine « enfonce le clou » montrant une prévalence des HPV dans 60 à 80 % des biopsies pour carcinome oropharyngé, contre 40 % au cours de la décennie précédente. Les données manquent pour l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud.

Une survie significativement meilleure à 2 ans.

Pour les auteurs, ces carcinomes dus à des HPV constituent une nouvelle entité. Leur pronostic est d’ailleurs plus favorable que lorsqu’ils ne sont pas d’origine virale, tout particulièrement chez les non-fumeurs. Deux essais cliniques récents montrent une survie significativement meilleure à 2 ans dans les stades III et IV dus à un HPV 16 par rapport aux autres origines (87,5 et 95 % contre 67,2 et 62 %). Ce bénéfice pourrait être attribué soit à une meilleure sensibilité des tumeurs à la radiothérapie, soit à réponse immunologique plus forte contre les antigènes viraux. En revanche, le tabagisme en présence d’un HPV ramène le pronostic à celui d’une lésion d’origine non virale.

La contamination, évoquions-nous plus haut, est essentiellement oro-génitale. L’augmentation du risque a même pu être chiffrée : soit six partenaires au moins dans la vie (odd ratio : 1,25), soit 4 partenaires « oraux » au moins (odd ratio : 3,36) et, pour les hommes, la précocité du premier rapport sexuel (OR : 2,36).

Les auteurs soulèvent, pour conclure leur article, le problème de santé publique et son lien avec la vaccination. En effet, le vaccin demeure, pour l’instant, réservé aux jeunes femmes. Les protégeant ainsi du carcinome oropharyngé. Quant aux garçons, ils sont exclus des programmes pour des raisons de coût-bénéfice. Tenir compte de l’incidence croissante de ces cancers liés aux HPV devrait modifier considérablement cet équilibre financier. La vaccination des garçons avant l’entrée dans la vie sexuelle prendrait tout son sens.

BMJ2010;340:c1439.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8738