Les non-fumeurs tout aussi à risque de second cancer du poumon

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Publié le 20/12/2023
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Après un cancer du poumon, le risque de développer un second cancer primitif du poumon et quatre à six fois plus élevé que chez les personnes n’ayant jamais eu de cancer. Ce surrisque est identique chez les fumeurs et les non-fumeurs, qui subissent donc un ratio d’incidence bien plus élevé. La question de la surveillance à long terme des sujets à risque se pose.

Avec le recul du tabagisme et la progression des facteurs environnementaux, la proportion de cancers du poumon survenant chez des personnes n’ayant jamais fumé (dits « non-fumeurs » ) progresse. Aujourd’hui, dans le monde, ces cancers pulmonaires en l’absence de tout tabagisme représentent 25 % des cas. Cela, avec d’importantes variations géographiques puisqu’on est autour de 10-15 % en Europe et aux États-Unis et jusqu’à 40 % en Asie. Or, avec les progrès thérapeutiques enregistrés ces dernières années, la survie à un cancer pulmonaire primitif a largement progressé. Résultat, les survivants sont désormais exposés à un risque accru de second cancer pulmonaire primitif.

On estime que le risque de faire un second cancer pulmonaire chez les survivants est quatre à six fois supérieur au risque de développer un cancer pulmonaire en population générale. Et l’incidence cumulée de ces seconds cancers primitifs ne cesse d’augmenter.

Intuitivement, on pourrait supposer que ce risque, comme celui de premier cancer pulmonaire, est plus important chez les fumeurs. En fait, ce n’est pas le cas, comme le montre pour la première fois cette analyse menée sur une vaste cohorte américaine (1).

Dans cette cohorte prospective, les sujets n’ayant jamais fumé ont tout autant de risque de développer un second cancer primitif que les fumeurs. Ce qui confirme le poids de facteurs de risque spécifiques associés à ces cancers pulmonaires des sujets n’ayant jamais fumé et pose la question de la surveillance de ces sujets à risque.

Plus de 20 ans de suivi de 211 000 adultes issus de la cohorte MEC

Les données utilisées sont issues de la cohorte en population MEC (multiethnic cohort study), qui a été constituée entre 1993 et 1996. L’analyse porte sur les personnes âgées de 45 à 75 ans à l’inclusion et pour lesquelles on avait des données précises de tabagisme. Soit un peu plus de 211 000 sujets de 60 ans en moyenne à l’inclusion, dont 45 % d’hommes et 55 % fumeurs ou ex-fumeurs, et 45 % n’ayant jamais fumé. Leur suivi s’est prolongé jusqu’en 2017, soit plus de 20 ans.

Le critère primaire est l’incidence à dix ans des tumeurs pulmonaires primitives et celle des seconds cancers pulmonaires primitifs observés dans l’ensemble de la cohorte, chez les fumeurs et chez ceux n’ayant jamais fumé. Pour être qualifiés de primitifs, les seconds cancers pulmonaires devaient présenter une histologie différente du premier cancer et/ou être apparu plus de deux ans après celui-ci.

7 fois plus de cancers primitifs chez les fumeurs

Au cours du suivi, 7 161 sujets, soit quasiment 4 % (3,96 %), de la cohorte ont développé un premier cancer pulmonaire. Ces sujets avaient 63 ans en moyenne à l’inclusion et 56 % sont des hommes.

Dans cette cohorte américaine, l’incidence cumulée à dix ans de ces premiers cancers pulmonaires est sept fois plus importante chez les fumeurs que chez ceux n’ayant jamais fumé. Le taux à dix ans est de 2,4 % chez les fumeurs, versus 0,34 % chez ceux n’ayant jamais fumé.

Même taux de seconds cancers primitifs indépendamment du tabagisme

A contrario, dix ans après un premier cancer pulmonaire primitif, le taux de seconds cancers primitifs pulmonaires est comparable chez les fumeurs et chez ceux n’ayant jamais fumé. Soit respectivement 2,72 % chez les fumeurs et à 2,84 % chez ceux n’ayant jamais fumé après de dix ans de suivi.

Résultat, le ratio d’incidence standardisé entre seconds cancers et premiers cancers est bien plus important chez ceux n’ayant jamais fumé.

Nécessité d’un suivi prolongé, y compris chez les non-fumeurs

Ce travail met en évidence le taux élevé de second cancer pulmonaire primitif chez les non-fumeurs. Un risque équivalent à celui observé chez les fumeurs. Après un premier cancer, il est donc indispensable de suivre non seulement les fumeurs mais aussi les non-fumeurs. Reste à déterminer comment.

Les recommandations américaines proposent de faire un suivi par scanner annuel dès deux à trois ans après la guérison. Le risque de récidive est en effet élevé dans les deux à quatre premières années après traitement. Mais le risque de second cancer primitif reste important durant plus de dix ans. Or, la stratégie de dépistage au-delà des cinq premières années après un premier cancer reste incertaine. Selon les auteurs, il paraît néanmoins risqué d’écourter le dépistage ou de réduire sa fréquence de ce dépistage de second cancer.

(1) E Choi et al. Second primary lung cancer among lung cancer survivors who never smoked. JAMA Netw Open. 2023

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr