Les fruits du dépistage et des avancées thérapeutiques

Les progrès dans le cancer du sein, un travail d’équipe 

Publié le 24/09/2010
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Crédit photo : S Toubon

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Crédit photo : S Toubon

SELON DES ÉPIDÉMIOLOGISTES d’Oslo, si la mortalité du cancer du sein a bien diminué depuis la mise en place du dépistage organisé du cancer du sein, la part attribuable au programme de santé publique ne serait que d’un tiers, l’effet dominant étant assuré par l’avancée technologique et la prise en charge multidisciplinaire. Un travail publié dans le « New England Journal of Medicine ».

« Ce n’est pas un scoop, commente pour " le Quotidien " le Dr Brigitte Séradour, présidente de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire et coordinatrice du programme de dépistage des cancers du sein pour l’association Arcades, à Marseille. Les résultats de ces épidémiologistes norvégiens n’ont rien d’étonnant.On sait depuis longtemps que le dépistage organisé n’explique pas à lui seul la diminution de la mortalité du cancer du sein. L’amélioration des technologies et de la prise en charge joue pour autant. Ce n’est pas une raison pour remettre en question l’intérêt du dépistage organisé. » C’est un peu ce que fait pourtant l’équipe du Dr Mette Kalager. D’après une étude originale basée sur la comparaison de 4 groupes, les épidémiologistes montrent que la part attribuable au dépistage organisé en Norvège n’est que d’un tiers dans la diminution de la mortalité du cancer du sein. Ils concluent ainsi que « le bénéfice de la mammographie de dépistage semble modeste dans ce programme national et de haute qualité. Mais plus important, le bénéfice apparent peut être perdu en l’absence d’intégration dans un système de santé efficace accessible à l’ensemble de la population ». Dans un éditorial, un médecin de santé publique américain, le Dr Gilbert Welch, va plus loin en s’interrogeant sur l’opportunité d’un bénéfice modeste pour des risques non négligeables. À savoir les faux positifs et le stress généré, les biopsies inutiles voire le surdiagnostic suivi sans raison de chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie.

Diminution de la mortalité de 10 %.

La solidité de l’étude a de quoi confondre. Le dépistage du cancer du sein a été lancé en 1996 dans quelques comtés avant d’être étendu sur le plan géographique les neuf années suivantes. Il était proposé tous les deux ans aux femmes âgées de 50 à 69 ans. Grâce à la mise en place graduelle du dépistage en Norvège, les épidémiologistes ont pu comparer la mortalité par cancer du sein entre quatre groupes de femmes : deux groupes de 1996 à 2005, l’un ayant participé au dépistage, l’autre non ; deux autres groupes historiques entre 1986 et 1995, reflétant les deux premiers. Depuis la mise en place du dépistage organisé, la mortalité a effectivement baissé dans le groupe avec intervention, avec une diminution relative de la mortalité de 10 %. Cela étant, elle a baissé également dans le groupe sans dépistage, ce qui ramène la part attribuable au dépistage à un tiers seulement dans la diminution de la mortalité. Dans le groupe dépistage, la mortalité était ainsi diminuée de 7,2 décès pour 100 000 personne/années versus 4,8 dans le groupe non dépisté, soit une différence entre les 2 groupes de 2,4 décès pour 100 000 personnes-années.

Coupler les interventions.

« Le problème ne se pose pas en terme de choix entre dépistage et amélioration de la prise en charge, insiste le Dr Séradour. Il faut coupler les deux interventions, l’un ne va pas sans l’autre. Et nous ne sommes pas en retard en France par rapport aux autres pays européens ! Le dépistage aux Pays-Bas, qui était pourtant en avance par rapport à celui du Royaume-Uni, est finalement moins performant, car les Néerlandais n’ont pas su, comme les Britanniques, le coupler à des unités spécialisées. On peut effectivement perdre le bénéfice du dépistage si la prise en charge ultérieure ne suit pas.Le délai de prise en charge est un facteur très important pour le pronostic. C’est un effet boule de neige, poursuit la sénologue. La mise en place d’un programme de dépistage bouscule les habitudes. Elle peut mettre en lumière des insuffisances médicales, ce qui pousse les équipes à améliorer leurs pratiques. » Le dépistage évolue aussi, avec un basculement vers la mammographie numérique. « On se rend bien compte que cette nouvelle technologie ne détecte pas tout à fait de la même façon, s’interroge la spécialiste. Cette mutation du type d’appareil de radiologie peut modifier le dépistage. Et on ne sait pas très bien encore comment. Il est vraisemblable qu’il soit plus performant pour certaines tumeurs, qu’il le soit moins pour d’autres. Tout cela reste à évaluer. »

N Engl J Med, 363; 13, 1203-1210, 23 septembre 2010.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8822