Un sous-groupe de patients pourrait être concerné

L’espoir d’une thérapie ciblée dans le cancer du rein métastatique

Publié le 10/06/2011
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Crédit photo : PHANIE

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« NOUS AVONS IDENTIFIÉ une nouvelle cible thérapeutique dans le cancer du rein : la protéine Src. Nous avons aussi développé un groupe de marqueurs qui pourraient permettre de sélectionner les patients les plus à même de bénéficier des médicaments inhibant le Src », explique au « Quotidien » le Dr George Thomas (Oregon Health and Science University, Portland) qui a dirigé l’étude publiée dans « Science Translational Medicine ».

Les adénocarcinomes du rein (90 % des cancers du rein) sont diagnostiqués dans un quart des cas au stade métastatique, lorsque les chances de guérison par traitement chirurgical sont minimes et la résistance à la chimioradiothérapie est élevée.

Dans 60 % des cas (carcinomes à cellules claires principalement), la mutation gouvernant la carcinogenèse est l’inactivation du gène tumeur-suppresseur VHL (von Hippel-Lindau). Le traitement médical repose alors sur l’inhibition de la néoangiogenèse avec des thérapies ciblant le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) et le mTOR (mammalian Target Of Rapamycin) dont les effets sont toutefois variables et de courte durée.

Dans 40 % des cas, l’expression du gène tumeur-suppresseur VHL est conservée, et il n’y a pas d’option thérapeutique rationnelle car les mécanismes moléculaires gouvernant ces cancers n’ont pas été identifiés.

Afin de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques, l’équipe du Dr George Thomas (qui inclut la chercheuse Elsa Vanhecke actuellement à l’INSERM de l’IGR à Villejuif) a étudié 346 échantillons tumoraux de patients atteints d’adénocarcinome du rein métastatique.

Utilisant une approche de phospho-protéomique quantitative et immunohistochimique, ils ont découvert la présence d’une activité élevée de la protéine Src dans les cellules rénales cancéreuses qui conservent l’expression du gène tumeur-suppresseur VHL (VHL-positive). La protéine Src, une tyrosine kinase, est connue pour être impliquée dans d’autres cancers.

Leurs données précliniques montrent que le dasatinib, un inhibiteur du Src déjà approuvé par la FDA pour traiter la leucémie, inhibe la croissance des cellules rénales cancéreuses VHL-positives, en inhibant l’activité Src accrue, mais n’inhibe pas la croissance des cellules rénales cancéreuses VHL-négatives. Cela a été montré in vitro, et avec des xénogreffes tumorales chez la souris in vivo.

Ils montrent que l’expression forcée de l’HIF (Hypoxia-Inducible Factor) dans les cellules rénales cancéreuses VHL-positives aboutit à une diminution du signal Src, en inhibant la transcription du PTP1B (Src activator Protein Tyrosine Phosphatase 1B), et confère ainsi une résistance au dasatinib.

Ainsi, ces résultats suggèrent qu’une voie de signal VHL-PTP1B-Src régulée par l’HIF détermine la sensibilité des cellules rénales cancéreuses aux inhibiteurs de Src.

Sélection selon le phénotype moléculaire.

L’inhibition du Src pourrait offrir une option thérapeutique rationnelle pour les cancers du rein qui conservent l’expression de la protéine VHL, autrement dit les carcinomes non à cellules claires.

« Nos résultats suggèrent qu’un changement fondamental dans le traitement du cancer du rein pourrait être justifié, notent les chercheurs. Les patients devraient être sélectionnés initialement sur la base d’un phénotype moléculaire. »

L’approche consisterait à analyser par immunohistochimie les échantillons de tumeurs rénales, en utilisant des biomarqueurs évaluant l’activité du signal VHL-PTP1B-Src, afin d’identifier les patients qui sont susceptibles de répondre à une thérapie ciblant le Src.

« Nous envisageons de conduire un essai de phase II, puisqu’une variété d’inhibiteurs du Src a déjà été testée en clinique », confie au « Quotidien » le Dr Thomas.

Science Translational Medicine, 1er juin 2011, Suwaki et coll.

> Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8980