Cancer du poumon métastatique

L’immunothérapie enfin accessible en première ligne

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Publié le 05/12/2017
Immunothérapie

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Crédit photo : Phanie

Dans une pathologie où le cancer est découvert métastatique d’emblée dans 40 à 55 % des cas, les premiers résultats de l’étude Keynote 024 montrant l’efficacité du pembrolizumab en 1er ligne métastatique des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) avaient marqué l’actualité en octobre 2016, lors du congrès de l’European Society of Clinical Oncology (ESMO). À la suite, cet inhibiteur du récepteur PDL1 avait obtenu dès le mois de janvier une autorisation de mise sur le marché (AMM) en première ligne de traitement et l’octroi d’une ASMR de niveau III (amélioration modérée du service médical rendu).

Un accès à la thérapie très attendu

Le 28 novembre, le laboratoire MSD a enfin pu annoncer l’aboutissement des négociations avec le comité économique des produits de santé (CEPS). Depuis les premiers résultats il y a plus d’un an, la possibilité de disposer de cette molécule en France était très attendue. En effet, le pembrolizumab étant déjà disponible sur le marché dans d’autres indications (mélanome et 2e ligne métastatique des CBNPC), il ne pouvait disposer d’aucune autorisation temporaire d’utilisation (ATU) dans l’attente de son prix, comme c’est le cas lors d’une première AMM octroyée au traitement. « Le dispositif réglementaire français est complètement dépassé par l’afflux d’innovation », précise le Pr Christos Chouaid (onco-pneumologue au CHI de Créteil). « Aujourd’hui, il y a un vrai besoin de faire évoluer ce système car les médicaments sont souvent déjà accessibles dans d’autres pays d’Europe », ajoute le Dr Aurélien Marabelle (oncologue à l’Institut Gustave Roussy, Villejuif). D’ailleurs, le cercle de réflexion immuno-oncologique (CRIO), vient de publier en novembre un Livre Blanc sur les prochains défis de l’immunothérapie en oncologie (www.crio-immunotherapie.com).

Au prix de 4 300 euros/injection et au rythme d’une injection toutes les 3 semaines, le traitement revient à environ 6 000 euros/mois. Il devrait concerner approximativement 6 000 patients parmi les 22 000 traités en première ligne d’un CBNPC. En effet, le pembrolizumab étant indiqué chez les patients dont la tumeur présente un seuil d’expression de PDL1 de 50 % minimum (PDL1 ≥ 50 %) sans mutation EGFR ou ALK, seuls 25 à 30 % des patients de première ligne se trouvent éligibles au traitement.

Une évolution thérapeutique à l’origine de multiples défis

Les premiers résultats du pembrolizumab ont aujourd’hui été actualisés et présentés en octobre au Japon lors de la 18e conférence internationale sur le cancer du poumon (WCLC). Réalisée chez 305 patients non prétraités pour leur CBNPC métastatique (avec une expression tumorale de PDL1 ≥ 50 % et sans mutation EGFR ou ALK), l’étude KEYNOTE-024 met en évidence, à deux ans, une survie globale significativement prolongée : 30 mois sous pembrolizumab versus 14,2 mois sous chimiothérapie à base de sels de platine (p = 0,002). Ainsi, plus de la moitié des patients traités par pembrolizumab sont en vie à deux ans : 51,5 % versus 34,5 % sous chimiothérapie. L’avantage de l’immunothérapie réside également dans une durée de réponse prolongée. Théoriquement administré jusqu’à progression tumorale, le pembrolizumab peut être poursuivi dans les essais jusqu’à 2 ans chez les patients répondeurs. « Nous ne connaissons pas encore la durée moyenne de traitement en vie réelle. Elle va être de plus d’un an pour beaucoup de patients, d’autant plus que le traitement est bien toléré », ajoute le Pr Chouaid.

Bien mieux toléré que la chimiothérapie, le profil de toxicité de l’immunothérapie nécessite néanmoins une nouvelle gestion des effets secondaires. De même, les pratiques vont devoir évoluer en termes de préparation et d’administration du traitement, modifiant également le parcours-patient. De plus, l’efficacité du pembrolizumab étant directement liée à l’expression de PDL1, la réalisation (par immunohistochimie) du test compagnon permettant de détecter ce biomarqueur devient indispensable. « En France, la mise en œuvre a été très anticipée. Aujourd’hui, 87 % des pathologistes français ont été formés, 86 % des cliniciens prescrivent déjà le test et plus de 60 % des patients sont testés », constate le Pr Frédérique Penault Llorca (anatomopathologiste à Clermont-Ferrand).

Un développement ambitieux

Le pembrolizumab a également deux autres indications en cours d’évaluation par la Haute Autorité de santé, le cancer de la vessie (2e ligne) et d’Hodgkin (3e ligne), pour lesquelles un avis est attendu en janvier 2018. « Dans le cadre de notre programme d’essais cliniques, nous avons actuellement sur le territoire français 62 études utilisant cette immunothérapie dans de multiples indications : ORL, gastrique, rein, urogénital, sein triple négatif, ovaire, pédiatrie, hématologie… », précise Valérie Bouchara, directrice de la recherche clinique.

D’après une conférence de presse du laboratoire MSD le 28 novembre 2017

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr