Des disparités entre pays, un premier essai randomisé

L'IRM plus efficace que la mammographie chez les femmes à risque familial sans mutation

Par
Publié le 09/09/2019
Article réservé aux abonnés
Des Néerlandais ont comparé deux méthodes de dépistage du cancer du sein chez des femmes à risque familial sans mutation identifiée (BRCA1et 2,TP53) : l'une avec IRM et l'autre avec mammographie. Ce premier essai randomisé confirme que l'IRM dépiste les cancers à un stade plus précoce. Mais au prix de davantage de faux-positifs et de surdiagnostic.
L'IRM pourrait réduire l'utilisation de la chimiothérapie

L'IRM pourrait réduire l'utilisation de la chimiothérapie
Crédit photo : ZEPHYR/SPL/PHANIE

Quel dépistage du cancer du sein faut-il proposer aux femmes à risque familial plus élevé mais sans mutation identifiée ? Des Néerlandais publient dans « The Lancet Oncology » le premier essai randomisé confirmant l'intérêt de l'IRM pour dépister à un stade plus précoce.

Avec un suivi d'un peu plus de 4 ans en moyenne, l'étude appelée FaMRIsc montre chez 1 355 femmes ayant un risque familial élevé mais sans mutation identifiée (BRCA 1 et 2, TP53) que l'IRM permet une meilleure détection du cancer, les critères primaires retenus étant le nombre, la taille et l'atteinte ganglionnaire.

Dans cette étude, le risque familial élevé était défini par un risque cumulé tout au long de la vie d'au moins 20 %, selon les tables de Claus (antécédent de cancer du sein chez les apparentés de 1er et 2e degrés et âge de survenue).

Dans 12 hôpitaux aux Pays-Bas, l'équipe dirigée par Madeleine Tilanus de l'université Erasmus à Rotterdam a comparé une stratégie combinant IRM annuelle + examen clinique annuel + mammographie tous les deux ans (groupe IRM) à une autre associant mammographie annuelle + examen clinique annuel (groupe mammographie).

L'IRM recommandée en France

L'intérêt de l'IRM ne fait pas débat pour le dépistage des femmes à risque familial avec mutation identifiée (BRCA 1 et 2, TP53). Les choses ne sont pas si claires en cas d'antécédent familial sans mutation génétique. Les recommandations varient selon les pays, faute de preuves suffisantes.

Aux États-Unis, l'IRM est recommandée pour les femmes âgées de plus de 30 ans mais pas aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En France, l'évaluation du risque fait appel au score d'Eisinger. Pour les femmes à risque très élevé (score d'Eisinger ≥ 3), ce qui peut se rapprocher du risque cumulé tout au long de la vie de 20 % de Claus, la Haute Autorité de santé (HAS) précise que la surveillance doit être « identique à celle réalisée chez les femmes ayant une mutation des gènes BRCA1 et 2 ».

Cette prise en charge, outre la surveillance clinique tous les six mois à partir de 20 ans, fait appel, à partir de 30 ans, à une imagerie annuelle avec IRM et mammographie +/- échographie en cas de seins denses. Pour les femmes à risque moins élevé (score d'Eisinger < 3), la surveillance ne fait pas appel à l'IRM.

Nombre, taille, ganglion

Dans l'étude, il y a eu davantage de cancers détectés (40 par rapport à 15) dans le groupe IRM, et davantage de cancers invasifs (24 par rapport à 8), ces derniers étant de plus petite taille (9 mm en médiane par rapport à 17 mm) et moins fréquemment positifs sur le plan ganglionnaire (4/24, soit 17 %, par rapport à 5/8, soit 63 %).

Les cancers détectés dans le groupe IRM étaient significativement plus précoces par rapport au groupe mammographie : pour les stades T1a et T1b, la proportion était de 12/25 (48 %) versus 7/15 (7 %) ; à l'inverse pour les stades ≥ T2, elle était de 1/25 (4 %) versus 2/15 (13 %).

Des résultats représentatifs de la vie réelle

Pour les auteurs, ces résultats sont « représentatifs de la pratique quotidienne en vie réelle », l'étude ayant inclus des hôpitaux universitaires et généraux. L'IRM chez les femmes à haut risque familial pourrait « réduire l'utilisation de la chimiothérapie, diminuer la mortalité par cancer du sein », écrivent-ils.

Néanmoins, les chercheurs néerlandais pointent le clair désavantage des faux-positifs et du manque de spécificité de l'IRM. Le surdiagnostic n'est pas sans poser de questions. Par exemple, le cancer du sein canalaire in situ pourrait ne pas évoluer et une stratégie de surveillance active est même à l'étude.

Les avis sont partagés sur l'écueil du surdiagnostic. Pour l'éditorialiste le Dr Christiane Kuhl, radiologue à Aachen (Allemagne), c'est un faux problème, le vrai défi dans le cancer du sein étant le sous-diagnostic, estime-t-elle, ajoutant que le gain de vie finit par se révéler avec le temps. Un enthousiasme que ne partage pas le Dr Steven Narod de l'hôpital de Toronto, doutant des bénéfices à terme. Les données de mortalité à 10 ans sont attendues avec intérêt pour faire avancer la réflexion.

S.Saadatmand et al., Lancet Oncology; 20/1136-47, 2019

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin