Jean Patrick Lajonchère Directeur général du Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph

A nous d'interpréter la partition ministérielle

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Publié le 26/11/2018
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Mr Lajonchère

Mr Lajonchère
Crédit photo : DR

Que pensez-vous du plan santé 2 022 ?

Je trouve que la réforme Ma santé 2 022 représente une belle feuille de route. Parmi les éléments que j’apprécie particulièrement : le patient est considéré comme la « boussole de l’articulation des soins » et la qualité de la prise en charge est mise en avant. Autre point positif : la concrétisation du Dossier Médical Partagé (DMP). Je compte qu’il puisse constituer l’interface avec les dossiers qu’ont mis en place les hôpitaux. Car l’information est très importante, non seulement pour les patients et leurs proches mais aussi pour les médecins, en charge de leur suivi en dehors de l’hôpital. Pour l’ensemble de sa patientèle, un médecin en ville a en face de lui plusieurs hôpitaux ou cliniques. Il a donc besoin de connaître les spécificités de tel ou tel établissement pour mieux orienter et conseiller ses malades. Les soins de support ne sont pas, en outre, les mêmes suivant les hôpitaux. Certains établissements se focaliseront sur du sport, de la diététique, d’autres sur les thérapies complémentaires…

Réussir le plan de Santé 2022, c’est également préserver notre système de santé solidaire qui s’impose à tous et pas seulement au gouvernement. Ce système solidaire représente aujourd’hui, en effet, l’un des fondements de la République, ce qui nous impose de ménager les fonds qui le financent. Pour relever ce défi, comment faire progresser nos structures de concert, sans opposer hôpital et médecine de spécialités de ville, province contre Paris, centres anticancéreux contre hôpitaux publics et cliniques privées ? Nous devons dépasser ces clivages. Même si, certaines différenciations peuvent être conservées. Si le plan Santé 2 022 constitue un objectif, avec une part de rêve, le PLFSS (Plan de financement de la Sécurité Sociale) 2 019 s’inscrit déjà dans sa déclinaison mais ne peut ignorer le sujet du financement du système. Chacun doit donc, comme chaque année, se demander comment apporter sa pierre à l’édifice de la solidarité nationale.

Cette réforme va donc dans le bon sens ?

Le plan n’évoque pas la structure hospitalière en tant que telle mais place le malade au centre du dispositif de prise en charge. Cela va dans le bon sens. C’est donc à nous de décider comment faire évoluer nos structures autour du patient, quelles qu’elles soient (hôpitaux de proximité, spécialisés, plateaux techniques…). Mon seul point de vigilance : rester simple sans tomber dans la dérive technocratique pour conserver la légitimité d’un plan de santé et ne pas augmenter les emplois administratifs au détriment des médicaux.

Comment ce nouveau plan va-t-il impacter l'oncologie ?

En évoquant le collectif et les relations entre les professionnels, les pratiques infirmières avancées… Il me semble que ce plan s’inscrit pleinement dans le champ de l’oncologie. Un acte isolé, les professionnels de santé arriveront toujours à le réaliser seuls en ville. Mais lorsqu’il s’agit d’exercice collectif, comme en oncologie, seuls des structures collaboratives parviennent à le faire. 

Qu’est-ce qu’il faudrait toutefois améliorer dans le plan santé 2 022 ?

Le dossier partagé doit encore avancer avec la numérisation complète de tous les documents produits par les professionnels de santé, le dossier pharmaceutique intégré au dossier patient, la numérisation et l’analyse des prescriptions, la conciliation médicamenteuse avec un lien avec les pharmacies de ville. Tout ce qui pourra aider à coordonner le médecin et les autres professionnels de santé comme les pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes… Et faire avancer le DMP sera positif. Tout ceci n’est pas formalisé dans le Plan 2 022 mais nous sommes tous capables de lire entre les lignes. À nous d’interpréter la partition de cette feuille de route.

Pour tous les soins de support, le Plan santé 2 022 nous parle de qualité, et un jour, la tarification viendra pour rémunérer l’accompagnement des patients. 

Quel retentissement sur les établissements privés comme l'hôpital Saint-Joseph ?

Il sera le même que pour les hôpitaux publics. Nous n’avons pas de différence de structure mais de statut. Nous participons au service public et appliquons sensiblement la même tarification que le service public et l’ensemble de la recherche privée non lucrative (les dix principaux ESPIC) nous porte au niveau du 5e CHU de France.

Comme les centres anticancéreux et les CHU, nous nous insérerons donc pleinement dans cette réforme. 

Christine Colmont

Source : Bilan Spécialiste