De bons résultats ont été obtenus chez le singe

Obésité : l’adipotide détruit la graisse

Publié le 15/11/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

« LE DÉVELOPPEMENT de ce composé pour un usage humain procurerait une approche non chirurgicale pour réduire l’accumulation de graisse blanche, par opposition avec les médicaments amaigrissants qui visent à contrôler l’appétit ou prévenir l’absorption de graisse alimentaire », souligne le Pr Renata Pasqualini (University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston) qui a dirigé ce travail.

L’obésité, définie par un indice de masse corporelle supérieur à 30, est une cause majeure de morbimortalité et constitue un problème majeur de santé publique.

En dépit des efforts, très peu de médicaments ont été développés avec succès pour traiter l’obésité. Les traitements médicamenteux conventionnels de l’obésité ont reposé jusqu’ici sur des mécanismes cérébraux ou métaboliques périphériques pour supprimer l’appétit et élever la dépense énergétique, mais leurs effets secondaires ont entravé leur usage.

Les vaisseaux qui nourrissent la graisse blanche.

Dans une approche totalement nouvelle, Barnhart, Pasqualini et coll. ont développé un peptide qui cible et détruit par apoptose les vaisseaux sanguins nourrissant le tissu adipeux blanc.

Ce peptide nommé adipotide (CKGGRAKDC-GG-[KLAKLAK]2, commercialisé par Ablaris Therapeutics) est composé d’un motif qui se fixe au récepteur prohibitine à la surface des cellules endothéliales des vaisseaux du tissu adipeux blanc, et d’une séquence qui est internalisée dans la cellule et détruit les membranes mitochondriales, provoquant de ce fait l’apoptose cellulaire.

Une précédente étude chez des souris obèses avait montré qu’un traitement par adipotide entraînait une perte de poids de 30 %. Toutefois, les rongeurs ne procurent pas un bon modèle de l’obésité humaine car leur contrôle cérébral et métabolique de l’appétit et du stockage des graisses est très différent de celui des singes et des humains.

L’équipe a maintenant évalué l’adipotide chez des singes spontanément obèses, qui constituent un excellent modèle de l’obésité humaine.

Perte de poids de 11 %.

Dans des expériences contrôlées par placebo, des singes Rhésus obèses qui étaient traités par adipotide (une injection sous-cutanée de 0,43 mg/kg par jour) pendant quatre semaines ont présenté une perte de poids de 7 à 15 % (11 % en moyenne) ainsi qu’une amélioration de leur insulinorésistance.

Deux méthodes d’imagerie (IRM et absorptiométrie biphotonique à rayons X) ont confirmé que la perte de poids survient principalement à travers une réduction du tissu gras, et ne reflète pas une perte liquidienne ou une fonte musculaire.

Les singes obèses traités présentent une réduction de 38 % de leur graisse corporelle totale, et une réduction de 27 % de leur graisse abdominale, par rapport aux valeurs initiales préthérapeutiques.

En revanche, chez les singes non obèses, l’adipotide n’entraîne aucune perte de poids.

Le profil de sécurité de l’adipotide a été évalué chez 3 espèces de singes : macaques Rhésus, babouins et macaques cynomolgus. Ces singes restent alertes sous le traitement, sans signe de nausée ; le principal effet secondaire est une diminution dose-dépendante et réversible de la fonction tubulaire proximale du rein.

« Ces données chez les primates établissent l’adipotide comme un prototype d’une nouvelle classe de médicaments candidats qui pourraient être utiles pour traiter l’obésité chez les humains », concluent les chercheurs.

L’équipe envisage maintenant de conduire un essai clinique chez des patients obèses affectés d’un cancer de la prostate ; ils recevront une injection quotidienne d’adipotide pendant 4 semaines.

En effet, l’obésité majore le risque de développer un cancer, et les patients cancéreux obèses ont de moins bon résultats thérapeutiques sous chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie.

Si l’adipotide peut réduire le poids des patients cancéreux, les chercheurs espèrent que cette perte de poids ralentira la progression du cancer de la prostate.

Science Translational Medicine, Barnhart et coll., 9 novembre 2011

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9041