Contribution

« Ouvrons la voie à des thérapies universelles et non conventionnelles dans le cancer », le plaidoyer du fondateur de Nanobiotix

Publié le 04/02/2022
« Pour des soins plus justes ! » C'est le fil rouge, ce vendredi 4 février, de la Journée mondiale contre le cancer. À cette occasion, le fondateur de Nanobiotix, une société de biotechnologies, pose des jalons et donne des exemples pour rendre accessibles à plus de patients les innovations qui ont bouleversé les traitements et le pronostic de certaines de ces pathologies. CAR-T allogéniques, nanoparticules, exposition de cellules tumorales à des champs électromagnétiques peuvent ainsi, selon lui, permettre de relever ce défi de l'universalisalité.

Crédit photo : PHANIE

CONTRIBUTION - « Close the Care Gap ! ». Le mot d’ordre de la Journée mondiale contre le cancer, organisée par l'Union internationale de lutte contre le cancer (UICC) nous invite tous, soignants, acteurs de l’industrie ou des associations de patients, à exiger l’égalité mais aussi et surtout l’équité pour tous les patients touchés par le fléau du cancer. Si l’égalité offre à tous un accès à la même offre de soins, l’équité attribue à chacun des moyens adaptés et une même chance de survie face à la maladie.

Au bénéfice d’une intense course à l’innovation, la cancérologie a connu, ces 20 dernières années, des avancées remarquables, qui ont aussi creusé entre les patients des fractures de tout ordre : biologiques, démographiques, géographiques.

Quand l’innovation génère des fractures

L’immunothérapie, qui a bouleversé la prise en charge des cancers, au stade métastatique notamment, n’est efficace que chez 20 à 30 % des patients, car ce mécanisme d’action est dépendant de facteurs biologiques difficiles à maîtriser. Les combinaisons de traitements, associant chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie se sont imposées dans les protocoles. Mais beaucoup de patients âgés sont trop fragiles pour être « éligibles » à la chimiothérapie.

Les CAR-T, ces thérapies cellulaires individualisées qui ont changé la donne dans certains cancers du sang, posent de lourdes contraintes de production et de manipulation et ne sont accessibles que dans trop peu de centres spécialisés.

En conséquence, ces thérapies sont développées dans le cadre d’essais cliniques qui, par souci de réussite, accueillent trop peu de patients âgés fragiles ou souffrant de co-morbidité. Une population qui pourtant est plus touchée que les autres par le cancer !

Il n’y a aucune fatalité à cela. En biotechnologies comme ailleurs, l’innovation peut se diffuser dans les sociétés de manière égale et équitable, à condition qu’elle intègre, dès sa conception, une exigence d’universalité.

Quatre critères pour changer de cap

Chercheurs, entrepreneurs biotech, industriels de la pharma, posons-nous ces quatre questions ! Notre innovation repose-t-elle sur un mécanisme d’action universel – indépendant des aléas biologiques de chacun ? Sa toxicité est-elle maîtrisée, notamment pour les patients les plus fragiles ? Peut-elle facilement s’intégrer dans le protocole de soins courant ? Sa production et sa manipulation peuvent-elles être largement mises en œuvre ?

Certes, l’extrême gravité de certains cancers justifie le déploiement de traitements personnalisés et de précision. Mais, sans exclure aucune approche, il serait juste de sensibiliser les développeurs à l’exigence d’universalité, sur la base de ces quatre critères.

Il serait juste aussi que les régulateurs et les agences réglementaires favorisent des programmes répondant au mieux à ces critères, à travers, par exemple, des dispositifs d’accélération des développements cliniques.

Pour des sciences qui bénéficient à tous

Des pistes de recherche répondant à cette approche universaliste existent. J’en citerai trois.

Les CAR-T allogéniques, des cellules rendues par génie génétique compatibles avec tous les receveurs, plus faciles à produire et surtout immédiatement accessibles aux patients, pourraient demain remplacer les CAR-T traditionnelles.

L’injection de nanoparticules dans les tumeurs pour amplifier l’efficacité des radiothérapies pourrait faire bénéficier à plus de patients cette technologie centenaire, très intégrée au parcours de soins et basée sur un mécanisme d’action physique et donc universel.

L’exposition des cellules tumorales à des champs électromagnétiques visant à les perturber pour les détruire relève également d’une approche physique, indépendante des aléas biologiques, et fait l’objet de développements prometteurs, dans le cancer du cerveau.

Et il en existe d’autres.

Cette exigence d’universalité doit s’imposer et s’imposera, en santé comme dans toute démarche scientifique visant à améliorer notre condition humaine.

Cette contribution n’a pas été rédigée par un membre de la rédaction du « Quotidien » mais par un intervenant extérieur. Nous publions régulièrement des textes signés par des médecins, chercheurs, intellectuels ou autres, afin d’alimenter le débat d’idées. Si vous souhaitez vous aussi envoyer une contribution ou un courrier à la rédaction, vous pouvez l’adresser à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.

Laurent Levy, docteur en physique, fondateur et dirigeant de la société Nanobiotix

Source : lequotidiendumedecin.fr