Effets de la pandémie de Covid-19 sur les cancers aux États-Unis

Plus de neuf millions de dépistage non réalisés en 2020

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Publié le 24/05/2021

La crise sanitaire a induit un net recul du dépistage des cancers. Mais jusqu'à quel point ? Aux États-Unis, une analyse récente menée parmi 60 millions d'américains estime que plus de neuf millions de dépistage de cancers (du sein, colorectaux et de la prostate) seraient passés à la trappe avec la première vague…

Crédit photo : Phanie

Les auteurs, d’une étude publiée fin avril dans le JAMA (1), ont recensé les données de dépistage des années 2018, 2019 et 2020 de sujets âgés de 50 à 79 ans pour les cancers du sein et colorectaux, ainsi que de ceux âgés de 50 à 69 ans pour le cancer de la prostate. Les personnes ayant des antécédents d'un de ces cancers dans les deux ans, ont été exclues. Au total, les données d’environ 60 millions de personnes ont été incluses dans l’analyse.

De 60 à 90 % de dépistages en moins

Les données montrent que les taux mensuels de dépistage sont très similaires en 2018 et 2019. En revanche, ces taux ont très nettement décru pendant la première vague, entre mars et mai 2020, comparativement aux autres années.

Le mois d'avril 2020 est celui où la baisse est maximale : comparativement aux années précédentes, le dépistage du cancer du sein a reculé de 91 % (394 versus 4 287 pour 100 000), celui des tumeurs colorectales de 79 % (430 versus 2 073 pour 100 000) et celui du cancer de la prostate de 63 % (1 474 versus 4 025 pour 100 000).

Dès le mois de juillet 2020, les taux de dépistage du cancer du sein et de la prostate sont fort heureusement revenus à la normale. Alors que celui du cancer colorectal, même en juillet 2020, reste encore de façon inexpliquée en dessous des taux habituels (de moins 13 %).

« Durant le premier semestre 2020, de janvier à juillet, la pandémie de Covid-19 a induit un important déficit de dépistage. En population totale, d'après les projections, c’est environ 3,9 millions de femmes non dépistées du cancer du sein, 3,8 millions de femmes et d'hommes concernant le cancer colorectal et plus d'1,6 millions d'hommes pour le cancer de la prostate. Soit comparativement à 2019, un recul de 9,4 millions du nombre de dépistages effectués en population », résument les auteurs.

Des variations géographiques et socio-économiques

Le recul enregistré n'a pas été de la même ampleur partout. « Pour les trois types de cancers scrutés, la réduction des dépistages a été maximale au Nord-Est en mars, avril et mai 2020, tandis qu'au Sud et à l'ouest des États-Unis les taux de dépistage ont chuté de façon moins drastique. Ceci est à mettre en rapport avec le différentiel d'évolution du Covid-19 dans ces différentes régions. Pour mémoire, New York, et plus largement le nord-est des États Unis, a été touché plus tôt et plus violemment par la pandémie », rappellent les auteurs.

Le recul n'a pas non plus touché de la même manière toutes les classes sociales. « Avant la pandémie, les taux de dépistages de ces trois cancers étaient plus élevés dans les classes socio-économiques les plus favorisées. Mais durant la pandémie, le recul du dépistage a davantage touché ces classes. Le fossé, en termes de dépistage, entre les classes sociales s'est rétréci », note les auteurs. À tel point qu'en avril 2020, le taux de dépistage des cancers du sein et colorectaux était plus bas dans la classe socio-économique la plus favorisée que dans la moins favorisée, alors qu’habituellement c'est le contraire. Finalement, pendant le premier semestre 2020, les taux de dépistage dans les diverses classes socio-économiques sont ainsi quasi homogènes.

(1) Chen RC et al. Association of Cancer Screening Deficit in the United States with the COVID-19 Pandemic. JAMA Oncol 2021; doi:10.1001/jamaoncol.2021.0884

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr