Le congrès Asco-Gastrointestinal (GI) cancers symposium, qui s’est tenu du 23 au 25 janvier 2024, a été l’occasion de très nombreuses communications, témoins d’une recherche très active en la matière.
Une recherche marquée cette année par des avancées importantes, comme cette année avec la radiothérapie interne vectorisée (RIV) dans les tumeurs neuroendocrines (TNE) bien différenciées. Après l’étude de phase 3 Netter-1, l’étude de phase 3 Netter-2, présentée en avant-première à l’Asco-GI, confirme, cette fois dès la première ligne de traitement, l’excellente activité de la RIV en association aux analogues de somatostatine dans les TNE digestives bien différenciées de grade G2-G3, avec des données démonstratives en particulier dans les tumeurs du pancréas, où son utilisation restait discutée (1).
Une thérapeutique originale
« La RIV est une technique de radiothérapie reposant sur l’administration d’un radiopharmaceutique, l’octréotate, possédant une haute affinité pour les récepteurs de la somatostatine de sous-type 2 (sst2) marqué par un radioélément (ici le lutécium-177, émetteur β- ; nom commercial Lutahera). L’ensemble, administré par voie IV, se fixe préférentiellement sur les cellules cibles, délivrant ainsi une dose létale de radiothérapie à quelques millimètres de chaque source. Avec à la clé, une grande efficacité assortie d’une toxicité limitée », explique le Pr Côme Lepage (CHU de Dijon).
Netter-1 : les premières données convaincantes en seconde ligne
« Pour rappel, en 2017, une première étude de phase 3, Netter-1, avait exploré l’intérêt et la tolérance de cette radiothérapie vectorisée dans les TNE intestinales avancées bien différenciées de grade G1-G2, en échec après une première ligne par analogue de somatostatine (2). L’étude avait permis une AMM européenne dans cette indication, initialement limitée en France aux seules tumeurs du tube digestif, les tumeurs du grêle étant très majoritaires dans l’essai », résume le Pr Lepage.
Cette première étude randomisée (2/1) portait un peu plus de 200 patients dont 80 % post-chirurgie, tous en progression sous analogue de somatostatine. Plus de deux tiers présentaient des tumeurs du grêle. « Cet essai de seconde ligne a montré que radiothérapie vectorisée, associée à un analogue retard de somatostatine, versus une double dose du même analogue, augmente considérablement la survie sans progression. À 20 mois de suivi, on est à 65 % versus 11 % de survie sans progression. Cela, au prix de moins de 10 % de toxicités hématologiques de grade 3-4, dominées par les lymphopénies », indique le Pr Lepage. À noter, les données de survie globale sont impossibles à interpréter en raison de l’important crossover entre les bras pratiqué en cours d’essai, au vu du net bénéfice en termes de réponses (18 % vs 3 %) associé à cette radiothérapie vectorisée.
Netter-2 en première ligne confirme l’activité et élargit le spectre
« Aujourd’hui, l’étude Netter-2 vient confirmer l’intérêt de cette thérapeutique originale et élargir potentiellement ses indications, en particulier dans le pancréas et pour les tumeurs digestives de grade 3 », résume le Pr Lepage.
« Netter-2 compare à nouveau l’association radiothérapie vectorisée/analogue retard de somatostatine versus double dose d’analogue de somatostatine en première ligne, mais chez des patients naïfs. En outre ici, plus de la moitié des tumeurs sont des pancréatiques (54 %) », souligne le Pr Lepage. L’étude porte sur 226 patients randomisés dans un rapport 2/1 dans les bras radiothérapie vectorisée/analogue de somatostatine, versus analogue de somatostatine à double dose.
À nouveau, on observe un important bénéfice en termes de taux de réponses et de survie sans progression. La survie médiane sans progression est significativement prolongée, de plus d’un an (+14,3 mois : 22,8 versus 8,5 mois). Et les toxicités restent limitées, avec moins de trois patients ayant développé une toxicité de grade 3-4 de type leucopénie, anémie ou thrombocytopénie. On note cependant un syndrome myélodysplasique dans le bras radiothérapie (1 /155 patients).
« Alors qu’initialement, ce traitement était réservé en France aux tumeurs du grêle, Netter-2 devrait permettre de traiter sans plus hésiter les tumeurs pancréatiques. À la réserve près du coût très important de ce traitement (environ 80 000 euros/patient) », conclut le Pr Lepage.
Entretien avec le Pr Côme Lepage (CHU de Dijon)
(1) S Singh et al. [177Lu] Lu-DOTA-TATE in newly diagnosed patients with advanced grade 2 and grade 3, well-differentiated gastroenteropancreatic neuroendocrine tumors: Primary analysis of the phase 3 randomized Netter-2 study. Abstract LBA 588 Asco GI 2024
(2) J Strosberg et al. Phase 3 Trial of 177Lu-Dotatate for Midgut Neuroendocrine Tumors. NEJM 2017, 376:125-135
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