« Dans l’étude randomisée néerlando-belge Nelson, publiée dans le New England Journal of Medicine (janvier 2020), on observe une diminution de la mortalité de 24 % chez les hommes et de 33 % chez les femmes à dix ans », rappelle la Pr Marie Wislez (hôpital Cochin, Paris). Pour parvenir à ces résultats, les auteurs ont rassemblé les données de 13 195 hommes et 2 594 femmes âgés de 50 à 74 ans, fumeurs et anciens fumeurs, ayant bénéficié d’un dépistage par scanner à T0, 1 an, 3 ans, 5,5 ans versus un groupe témoin non dépisté. Un suivi minimum de dix ans a été réalisé pour tous les participants.
L’étude Nelson marque un véritable tournant
« Il n’y a pas d’autre traitement médical connu actuel qui ait démontré une telle efficacité, insiste le Pr Wislez. L’étude Nelson est particulièrement efficace sur la mortalité, mais ce n’est pas tout. Elle est aussi innovante dans le sens où elle repose sur une méthode particulière de mesure des opacités pulmonaires suspectes. En effet, les nodules n’ont pas seulement été suivis au niveau des mesures de leur plus grand diamètre. L’étude Nelson a proposé un suivi volumétrique de ces nodules et il a été décidé si le nodule était suspect ou bénin en fonction de ce suivi volumétrique. Avec cet algorithme de suivi volumétrique, le nombre de faux positifs (où il a été conclu à un nodule suspect avec décision d’intervenir chirurgicalement) est devenu très faible ». Il s’agit donc d’un réel progrès par rapport aux études NLST, où la décision d’intervenir chirurgicalement reposait sur le plus grand diamètre du nodule : avec cette méthode, le nombre de faux positifs était bien supérieur, au point de compromettre l’intérêt du dépistage du cancer pulmonaire.
Les radiologues se sont préparés
La Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) a réitéré sa volonté de voir mettre en place une campagne de dépistage du cancer du poumon par scanner low-doses, avec des niveaux d’irradiation très bas. Mesurer le volume et non le diamètre des nodules demande cependant une formation particulière des radiologues et le recours à des scanners low-doses, avec un logiciel particulier. « La Société européenne de radiologie a mis en place une formation des radiologues à ce type de lecture. Ce qu’il faudrait maintenant, c’est de vérifier si, avec ce certificat, les radiologues sont capables de détecter des nodules dans la vraie vie, avec la même fréquence et dans les mêmes conditions que dans l’étude Nelson, insiste la Pr Wislez. Cette vérification est en effet le préalable à la mise en place d’un dépistage de masse dans les mêmes conditions que dans l’étude Nelson. »
Il manque encore l’appui des autorités
« Pour le moment, il nous manque le feu vert des autorités pour mettre en place ce dépistage et la communauté médicale est assez affectée par ce manque d’adhésion aux résultats de l’étude Nelson. Ce qui se justifiait avec l’étude NLST (à l’origine de nombreux faux positifs et donc de chirurgies inutiles, d’une morbimortalité et d’un coût plus important) n’est plus d’actualité avec l’étude Nelson. Actuellement, le dépistage n’est pas remboursé alors que dans d’autres pays d’Europe, il y a des études de faisabilité et des initiatives », déplore le Pr Wislez, qui plaide pour que ce dépistage soit associé à d’autres (du sein, du côlon, etc.) dans des centres de dépistage dédiés, en fonction de l’âge, du tabagisme, des antécédents, etc.
Il faut aussi que ce dépistage s’accompagne d’incitations au sevrage tabagique (l’incidence du cancer pulmonaire chez la femme augmente en raison de la persistance de l’augmentation du tabagisme), d’un dépistage de la BPCO et que le recours au scanner low-doses soit mis à profit pour voir s’il y a des maladies cardiovasculaires associées au tabac comme la cardiopathie ischémique.
Entretien avec la Pr Marie Wislez, Unité d’oncologie thoracique, service de pneumologie de l’hôpital Cochin à Paris
@MarieWislez
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