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Tumeurs carcinoïdes du tube digestif

Publié le 25/05/2010
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1) Incidence

Une incidence relativement faible mais une prévalence élevée.

1.1) Cet apparent paradoxe s’explique par la lenteur évolutive habituelle des tumeurs carcinoïdes qui aboutit leur classement au 2e rang des tumeurs digestives, juste après les cancers colorectaux.

1.2) Cette lenteur évolutive reste vraie au stade de métastases. Les plus fréquentes sont hépatiques. Elles peuvent entraîner un syndrome carcinoïdien.

2) Définitions et classifications

2.1) Le terme carcinoïde (ressemblant à un carcinome) désigne des lésions différentes.

2.2) Les recommandations de l’OMS sont d’employer le terme « tumeur endocrine » et d’y adjoindre le siège et le degré de différentiation et l’existence d’une éventuelle sécrétion hormonale ou le type cellulaire. Exemples de correspondances possibles :

- carcinoïde du grêle -› tumeur endocrine de l’iléon, bien différenciée, sécrétant de la sérotonine.

- carcinoïde gastrique -› tumeur endocrine de l’estomac, bien différenciée, développée à partir des cellules ECL (entérochromaffine like).

L’évaluation tient compte également du compte des mitoses et/ou de l’index de prolifération cellulaire Ki 67 au moyen de l’anticorps MIB1.

2.3) Le terme de tumeur fonctionnelle est réservé aux tumeurs ayant des symptômes cliniques liés à une hypersécrétion hormonale (pas à celles ayant une simple élévation d’un marqueur sanguin ou urinaire).

2.4) Les tumeurs endocrines peuvent toucher tous les étages du tube digestif.

3) Intestin moyen

Les tumeurs de l’intestin moyen (MIDGUT) sont les plus fréquentes.

3.1) Il s’agit des étages suivants de l’intestin : jéjunum, iléon, valvule iléocæcale, côlon droit, appendice.

3.2) Les circonstances de découverte peuvent être très différentes :

3.2.1) elles sont parfois trouvées par hasard, en particulier lorsqu’elles sont petites (< 2 cm) et non fonctionnelles : iléocoloscopie, pièce d’appendicectomie.

3.2.2) elles peuvent à l’opposé être révélées par un syndrome carcinoïdien (très évocateur d’une tumeur carcinoïde de l’intestin moyen, en particulier du grêle terminal). Ce syndrome peut comporter un ou plusieurs des éléments indiqués dans l’encadré.

4) Démarche

Quelle doit être la démarche diagnostique devant un syndrome carcinoïdien ?

Elle est double : biologique et morphologique.

4.1) Diagnostic biologique.

Il associe les 2 dosages suivants (et rien d’autre) :

4.1.1) Dosage des 5 HIAA sur les urines de 24 heures (si possible pendant trois jours) après régime adapté (évitant les aliments riches en tryptophane).

4.1.2) Dosage de la chromogranine A sérique (marqueur de toutes les tumeurs endocrines, digestives ou non).

Deux points à connaître sur ce marqueur :

- sa sensibilité est de 60 % à 100 % et sa spécificité de 70 % à 100 %.

- les faux positifs sont essentiellement en rapport avec la prise d’IPP (inhibiteur de la pompe à protons).

4.2) Diagnostic morphologique.

Les 2 examens majeurs sont les suivants :

4.2.1) scanner abdominal avec remplissage du grêle à l’eau par sonde (entéroclyse) ou au mannitol per os (entéroscanner) ;

4.2.2) scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (Octréoscan).

5) Traitement

Quelles sont les possibilités thérapeutiques des tumeurs endocrines de l’intestin moyen ?

5.1) Traitement symptomatique.

5.1.1) Il s’adresse en particulier aux flushes et à la diarrhée et repose sur les analogues de la somatostatine (octréotide et octréotide retard, lanréotide et lanréotide retard).

5.1.2) La diarrhée peut aussi être améliorée par les traitements suivants :

- ralentisseurs du transit,

- cholestyramine (en particulier en cas de résection intestinale),

- antibiotiques (en cas de pullulation microbienne).

5.2) Traitement anti-tumoral.

5.2.1) Il repose avant tout sur la résection chirurgicale de la ou des tumeurs primitives et si possible sur celle d’éventuelles métastases hépatiques (si elles ne sont pas trop nombreuses ou prédominent dans un lobe du foie). Des hépatectomies en 2 temps peuvent donner de bons résultats (résection des métastases du lobe gauche et ligature portale droite qui entraîne une hypertrophie du lobe controlatéral, puis hépatectomie droite 6 semaines plus tard).

5.2.2) Chimiothérapie. Deux points à souligner :

- aucune chimiothérapie systémique n’a fait la preuve de son efficacité (y compris les associations streptozotocine- 5 FU et streptozotocine-doxorubicine), contrairement aux tumeurs endocrines du pancréas ;

- des stabilisations tumorales ont été décrites avec le témozolamide (Témodal) seul ou associé à la capécitabine (Xéloda) (l’efficacité dépend de l’état d’une enzyme réparatrice de l’ADN).

5.2.3) Des thérapies ciblées sont en cours d’évaluation.

5.2.4) Une méta-analyse récente a confirmé un effet anti-tumoral des analogues de la somatostatine.

5.2.5) Que peut-on attendre des traitement locorégionaux ?

- La chimioembolisation des métastases hépatiques permet un contrôle des symptômes dans plus de 50 % des cas.

- Destruction de métastases hépatiques par radiofréquence per-opératoire ou percutanée.

5.2.6) D’autres techniques sont en cours d’évaluation ou non encore disponibles en France : administration de microsphères chargées de chimiothérapie ou d’yttrium 90, thérapies ciblées, radiothérapie métabolique à base d’octréotide (marqué à l’yttrium 90 ou au 177lutétium).

Réponse

L’affirmation 5.2.5) sur les traitement loco-régionaux comporte une inexactitude. En effet, la chimio-embolisation des métastases hépatiques permet un contrôle des symptômes dans plus de 80 % des cas (et pas 50 %).

Référence

P. Ruszniewski Prise en charge des tumeurs carcinoïdes du tube digestif Post-U 2010 :83-88.

 Dr CLAUDE EUGÈNE Clinique Saint-Louis (Poissy)
En complément

Source : Le Quotidien du Médecin: 8775