Inhibiteur des Janus kinases 1 et 2

Un bénéfice clinique avec un traitement ciblé dans la myélofibrose

Publié le 16/09/2010
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NÉOPLASIE myéloproliférative chromosome Philadelphie négative, la myélofibrose peut être soit primitive, dite idiopathique (splénomégalie myéloïde), soit secondaire à une thrombocythémie essentielle ou à une polyglobulie de Vaquez. Elle se caractérise par des signes cliniques (par exemple, anémie progressive, fibrose médullaire, splénomégalie) et une constellation de signes débilitants (fatigue, faiblesse, douleurs osseuses, hypercatabolisme, perte de poids). La survie dépend du nombre de facteurs de risque elle va de 2 à 4 ans chez les patients qui ont deux facteurs de risque ou davantage à 8 à 11 ans chez ceux qui ont zéro ou un seul facteur de risque.

Les médicaments conventionnels utilisés pour traiter la myélofibrose ne procurent que des bénéfices palliatifs et ne sont pas approuvés dans cette indication.

Une mutation gain de fonction de JAK2.

On se rappelle qu’on a découvert une mutation gain de fonction (JAK2 V617F) dans le gène de la Janus kinase 2 (JAK2) dans ces néoplasies myéloprolifératives chromosome Philadelphie négative. Cette découverte a suscité un intérêt dans le développement de traitements ciblant JAK2.

La mutation JAK2 V617F est présente chez environ 50 % des patients atteints de myélofibrose. Certains signes (anémie, splénomégalie) ainsi que le risque de transformation en leucémie myéloïde aiguë ont été associés au statut vis-à-vis de JAK2 V617F et à la charge d’allèles JAK2 V617F.

D’autres mutations dans les gènes JAK2 et MPL (récepteur à la thrombopoïétine) peuvent aussi induire un signal JAK2 exagéré.

Dans des études précliniques sur des modèles de syndromes myéloprolifératifs, on a observé l’efficacité d’un inhibiteur sélectif de JAK1 et JAK2, INCB018424.

C’est dans ce contexte que Srdan Verstovsek et coll. ont conduit une étude clinique avec cet inhibiteur, dont les résultats sont publiés dans le « New England Journal of Medicine ». Cette étude de phase I-II a été conduite chez 153 patients atteints de myélofibrose, soit idiopathique (53 %), qu’elle soit JAK2 V617F positive ou négative, soit post-thrombocythémie essentielle (31,8 %) soit post-maladie de Vaquez (15,2 %).

Ces patients ont reçu par voie orale l’inhibiteur INCB018424 pendant une durée médiane de plus de 14,7 mois. Sans entrer dans les détails, il est apparu qu’une dose de départ de 15 mg deux fois par jour, avec ensuite ajustement individualisé des doses, constituait le schéma le plus efficace et le mieux toléré. Ce schéma était associé à une régression (plus de 50 %) rapide et soutenue (plus de douze mois) de la splénoméglie ; moins de 10 % des patients ont présenté des effets secondaires de grade 3 ou 4 (principalement myélosuppression) ; les manifestations débilitantes comme la perte de poids, la fatigue, les sueurs nocturnes et le prurit se sont rapidement améliorées. Les bénéfices cliniques observés dans cette étude étaient associés à une diminution marquée des taux de cytokines inflammatoires circulantes qui sont habituellement élevées dans la myélofibrose.

Deux phases III lancées.

Qu’en est-il de la survie ? Dans ce travail, la majorité des patients (65 %) étaient dans les catégories à haut risque selon le score « International Prognostic Scoring System », avec une médiane de vie espérée à 27 mois. Certes, ici, 84 % des patients étaient encore en vie à deux ans, ce qui est encourageant. Mais pour pouvoir évaluer un bénéfice en terme de survie, il faudrait un suivi plus long et un groupe contrôle.

« Sur la base des résultats de cette étude, indiquent les auteurs, deux essais contrôlés et randomisés de phase III ont été mis en place. »

New England Journal of Medicien du 16 septembre 2010.

 Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8816