Les critères de qualité de la coloscopie 

Un enjeu de santé publique

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Publié le 03/10/2016
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COLO

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Avec 43 000 nouveaux cas et 17 500 décès en 2015, le cancer colorectal (CCR) reste la préoccupation principale des endoscopistes français. La coloscopie joue un rôle central dans sa prévention et son dépistage précoce. Ce rôle a été renforcé par l’intégration du test immunologique au dépistage organisé en remplacement de l’Hemoccult. En permettant de réséquer les lésions prénéoplasiques, polypes adénomateux le plus souvent, la coloscopie réduit l’incidence et la mortalité du CCR, comme l’a montré l’étude américaine du National Polyp Study Group : de 74 % pour l’incidence, de 53 % pour la mortalité.

Le niveau de protection apporté par la coloscopie peut toutefois varier d’un centre à l’autre, d’un médecin à un autre. Certaines de ces variations sont inéluctables, liées aux caractéristiques démographiques et médicales des patients dans un bassin de population donné. D’autres sont directement liées à la pratique de l’examen, à sa qualité. Outre cet aspect purement médical, la réalisation de plus d’un million de coloscopies par an en France impose un coût économique significatif à la société. Il est très probablement compensé par la réduction des coûts directs et indirects de la prise en charge des CCR. Ces données médicales et économiques imposent à notre profession une réflexion sur la qualité de nos examens.

Le taux de détection d’adénomes

Le principal indicateur de qualité en coloscopie est le taux de détection d’adénomes (TDA). Il correspond à la proportion de patients ayant une coloscopie de dépistage ou de prévention chez qui au moins un adénome est mis en évidence et traité. C'est un indicateur simple, synthétique, intégrant l’efficacité de la préparation intestinale, la pertinence des indications et des intervalles de surveillance, la qualité du matériel endoscopique et la capacité du gastro-entérologue à dépister les lésions prénéoplasiques. Nous ne disposons pas de données françaises, mais celles issues des études américaines montrent qu’il peut varier de 10 à 40 % d’un endoscopiste à l’autre. On peut estimer qu’une augmentation de 1 % du TDA réduit le risque de cancer d’intervalle de 3 %. Un TDA n’est pas considéré comme pleinement satisfaisant en deçà de 20 %.

D’autres indicateurs de qualité ont été proposés : taux d’intubation caecale, temps de retrait, qualité de la préparation intestinale, adhésion aux recommandations sur les délais de surveillance… Ces indicateurs techniques sont tous pertinents et chacun d’entre eux influe plus ou moins directement sur le TDA. Ils peuvent être utiles dans le cadre d’une démarche d’amélioration des pratiques.

Au-delà de ces critères de qualité de l’examen, une réflexion pourrait s’engager sur la qualité du compte rendu. La transmission des informations liées à la coloscopie est un enjeu majeur dans la prise en charge globale du patient et son intégration à une filière de soins efficace. Le rôle du médecin traitant est prépondérant dans toute politique de dépistage ou de prévention. Il l’est d’autant plus pour le CCR, car le médecin traitant est ici le pivot et l’interlocuteur privilégié du patient pour sa participation au dépistage organisé et pour son suivi ultérieur. Il est donc particulièrement important qu'il dispose de toutes les informations pertinentes pour que nos patients aient une surveillance adaptée à leur situation : type et efficacité de la préparation, gestes réalisés, résultats anatomopathologiques, délai de surveillance recommandé… La définition d’un compte rendu standardisé pourrait améliorer la qualité de la prise en charge et l’efficacité de la prévention.

C’est aux gastro-entérologues qu’il revient de s’approprier la notion de qualité de la coloscopie. Elle est nécessaire pour garantir à la population une prévention optimale du CCR. Mais aussi pour défendre une valorisation juste de nos actes et permettre aux établissements de santé d’investir dans les moyens humains et techniques indispensables aux bonnes pratiques de soins. Elle est une motivation supplémentaire à travailler sans relâche à l’amélioration constante de la formation, initiale et continue, en endoscopie.

Président de la Société française d’endoscopie digestive (SFED) 
Hôpital privé La Louvière, Lille

Dr Philippe Bulois

Source : Bilan Spécialiste