Cancers de la prostate

Un gain de deux ans sans évolution de la maladie sous darolutamide

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Publié le 11/03/2019
cancer prostate

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Crédit photo : Phanie

Dans les cancers de la prostate traités localement et par castration chimique, l'échappement à l'hormonothérapie posait un grave dilemme devant une rechute purement biologique avec remontée du PSA, alors que ni la clinique ni l'imagerie (scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse) ne montraient de progression de la maladie. Ce qui amenait, en l'absence de stratégie définie, à attendre l'apparition des métastases pour proposer des traitements certes efficaces mais au prix d'un lourd stress psychologique. « Tous les essais thérapeutiques s'étaient révélés négatifs, nous laissant dans cette impasse jusqu'en 2018 où les études PROSPER et SPARTAN menées avec l'enzalutamide et l'apalutamide ont mis en évidence une réduction du risque de métastases et de décès de 60 à 70 % dans cette situation », explique le Pr Fizazi.

Une réduction de 59 % du risque de métastases sous darolutamide

L'étude internationale de phase III ARAMIS, présentée à l'ASCO GenitoUrinary, a randomisé 1509 hommes atteints d'un cancer de la prostate non métastatique dont le taux de PSA était ≥ 2 ng/ml ou doublait en moins de 10 mois, afin de recevoir le darolutamide (inhibiteur des récepteurs aux androgènes) ou un placebo (ration de 2/1). Le critère de jugement principal était la survie sans apparition de métastases à l'imagerie. Un bénéfice était observé sous darolutamide, avec une réduction de 59 % du risque de métastases. La médiane de survie sans métastase atteignait 40 mois avec le darolutamide vs 18 mois sous placebo, soit un gain de deux ans environ lié au traitement. Le darolutamide apporte donc un bénéfice du même ordre que l'enzalutamide et l'apalutamide, tout en répondant aux questions soulevées par ces dernières sur le plan des effets secondaires et des autres critères d'efficacité. Sous darolutamide, on dispose en effet de données d'efficacité encore plus convaincantes, puisque le risque de décès est diminué de 29 %. Néanmoins, il est encore un peu tôt pour confirmer l'impact sur la survie globale, qui est de 83 % à 3 ans vs 73 % dans le groupe contrôle. Le risque d'apparition d'une douleur, en particulier osseuse, est réduit de 35 % et celui de progression tumorale de 62 %.

Une meilleure tolérance 

Le darolutamide s'avère au moins aussi efficace que les deux autres inhibiteurs des récepteurs aux androgènes mais sa tolérance est bien meilleure, puisqu'on n'observe peu ou pas de différences avec le groupe placebo. Il ne passe pas la barrière hémato-encéphalique aussi n'observe-t-on pas les potentiels effets neuropsychologiques, troubles cognitifs, de la mémoire, les épilepsies, la fatigue intellectuelle, ... on ne retrouve pas non plus d'augmentation du risque de chutes et de fractures, ni d'effet cardiovasculaire à type d'HTA.

Actuellement l'apalutamide et l'enzalutamide sont homologués par la FDA et attendent leur AMM en Europe. En France, l'enzalutamide a déjà l'AMM dans les cancers de la prostate métastatiques résistants à la castratration et l'apalutamide a une ATU. Le darolutamide devrait suivre.

« Nous nous félicitons de pouvoir maintenant traiter efficacement ces patients sans attendre l'apparition des métastases, une situation cliniquement et psychologiquement très difficile », conclut le Pr Fizazi.

D'après un entretien avec le Pr Karim Fizazi, Institut Gustave Roussy, oncologue, investigateur principal de l’étude ARAMIS
Karim Fizazi et al. « Darolutamide in Nonmetastatic, Castration-Resistant Prostate Cancer », February 14, 2019, NEJM.org. DOI: 10.1056/NEJMoa1815671

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr