Un nouvel outil à l’hôpital Saint-Antoine pour le diagnostic des cancers de l’enfant

Publié le 24/07/2015
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L’équipe Inserm du Pr Alex Duval, « Instabilité des Microsatellites et Cancer », à l’hôpital Saint-Antoine (Paris, AP-HP), met à disposition des praticiens une nouvelle méthode diagnostique d’un syndrome de prédisposition au cancer rare et gravissime de l’enfant, le syndrome CMMRD (Constitutional Mismatch Repair Deficiency Syndrom). Cette pathologie, qui touche 150 à 200 enfants dans le monde, affecte les enfants très jeunes, en entraînant chez eux des tumeurs spectaculaires de localisations diverses (cancer du côlon, lymphome, leucémie, tumeur cérébrale) et souvent multiples. Le pronostic est effroyable du fait d’une résistance aux chimiothérapies conventionnelles.

Pour une prévention et une surveillance adaptées

Le diagnostic est important car il permet de mettre en place précocement une prévention et une surveillance adaptées en l’absence encore actuellement de traitement efficace. Le diagnostic est difficile à poser car, s’il est héréditaire, il n’existe pas le plus souvent d’agrégation familiale évidente. Quatre gènes du système MMR peuvent être mutés, MLH1, MSH2, MSH6 ou PMS2, comme dans le syndrome de Lynch, ce qui fait que les deux syndromes de prédisposition au cancer sont apparentés. Mais contrairement au syndrome de Lynch, pour lequel la mutation s’exprime à l’état hétérozygote, le CMMRD s’exprime à l’état homozygote. « Il faut que les deux allèles du même gène soient mutés pour que la maladie s’exprime, explique le Pr Duval. Et les parents qui ne portent qu’un allèle muté ont une prédisposition au cancer assez faible. » Autre difficulté, le spectre clinique n’est pas tout à fait bien identifié, même si un scoring récemment établi par un consortium européen basé sur l’âge, le nombre et le type de tumeurs permet d’avoir une suspicion forte de ce syndrome.

Un scoring préalable

« Les pédiatres et les médecins généralistes face à un scoring ≥ 3 sont appelés à adresser l’enfant à un généticien, poursuit le Pr Duval. Un séquençage est alors lancé. Nous proposons de réaliser notre test en parallèle, car le séquençage est peu sensible avec un diagnostic non posé dans un tiers des cas. Notre test est très fiable avec une spécificité et une sensibilité de 100 %. » La méthode consiste à réaliser, à l’aide d’un simple prélèvement sanguin, certains tests fonctionnels sur les lymphocytes sains de l’enfant. Après avoir mis les lymphocytes en culture pour les immortaliser via l’infection par le virus EBV, les chercheurs observent leur réponse à certaines drogues, comme les agents méthylants, puisqu’ils y sont anormalement résistants. Le deuxième test consiste à mesurer ex vivo l’accumulation de mutations à grande vitesse, liée à un système MMR inactif et qui ne se voit pas sur les cellules prélevées non-immortalisées. « Ces deux traits fonctionnels sont très coordonnés, précise-t-il. Ensemble, ils sont très discriminants pour le dépistage clinique. »

Comme le risque de tumeurs est considérable, un diagnostic de certitude permettra de surveiller et d’éviter les récidives, par exemple avec des coloscopies itératives. Dans une famille avec un enfant atteint, le test pourra avoir son utilité dans le conseil génétique, avec le diagnostic prénatal. Et les chercheurs espèrent surtout que ces travaux contribueront à une meilleure connaissance de ces tumeurs ayant un profil de sensibilité différent et de développer des chimiothérapies à la carte.

Dr I. D.

Source : lequotidiendumedecin.fr