Dr Suzette Delaloge, Gustave Roussy (Villejuif)

Une signature génomique permet d'éviter la chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein post-ménopausique

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Publié le 21/01/2021

Présentée en décembre lors du San Antonio Breast Cancer Symposium, l’étude RxPONDER montre l'utilité du test Oncotype DX dans les tumeurs précoces hormonodépendantes (RH+), HER2 négatives (HER2-), avec envahissement ganglionnaire (N1). Survenant après la ménopause, ces cancers associés à un score de 0 à 25 ne bénéficient pas de la chimiothérapie adjuvante, alors que la majorité des patientes en reçoivent aujourd'hui…

Crédit photo : DR

RxPONDER, étude de phase III indépendante sponsorisée par le National Cancer Institute (NCI) et coordonnée par le SWOG Cancer Research Network, a exploré l'intérêt du test génomique Oncotype DX (1) dans les cancers du sein précoces RH+/HER2-/N1 (2). Ceci concerne nombre de patientes. En effet, un quart des cancers du sein précoces RH+/ HER2- présentent un envahissement ganglionnaire (N1), dont les deux tiers surviennent chez des femmes ménopausées (3).

Un vaste essai sur les formes précoces RH+/ HER2-/N1

L’étude RxPONDER compare la chimiothérapie (taxane et/ou anthracycline) associée à l’hormonothérapie (C+H) à l’hormonothérapie (H) seule dans les cancers du sein précoces RH+/ HER2-/N1, avec un score Oncotype DX Breast Recurrence entre 0 et 25. Pour rappel, près de 80 % de ces cancers ont un score de 0 à 25. Seuls ceux-ci font l'objet de l'essai RxPONDER. Les scores de 26-100 ont été exclus, l'étude TAILORx (4), ayant démontré le bénéfice de la chimiothérapie.

Les patientes ont été randomisées et stratifiées en fonction du statut ménopausique (pré/post ménopause), de la chirurgie ganglionnaire (curage axillaire vs ganglion sentinelle) et du score Oncotype DX (0-13 vs 14-25).

Issues de neuf pays, plus de 5 083 femmes ont été incluses, dont 650 en France en collaboration avec l'intergroupe French Breast Cancer Intergroup - UNICANCER (UCBG). Un tiers d'entre elles étaient en préménopause et deux tiers en post-ménopause. Près de la moitié ont un score de 0-13, l'autre moitié un score de 14-25. Les deux tiers ont un seul ganglion envahi, un quart en ont deux et 10 % en ont trois. La prise en charge a été réalisée par curage deux fois sur trois et par la technique du ganglion sentinelle dans un tiers des cas. Un quart des cancers était de bas grade, deux tiers de grade intermédiaire et 11 % de grade élevé. Enfin, la tumeur était de taille T1 dans 60 % des cas et T2-T3 dans 40 % des cas.

Des résultats surprenants

« RxPONDER nous a assez surpris. L'étude était destinée à évaluer à partir de quel niveau de score de risque on observait un bénéfice de la chimiothérapie. Réponse négative : le score de récurrence Oncotype DX entre 0 et 25 n'est absolument pas prédictif du bénéfice de la chimiothérapie (pas de différence de bénéfice entre les scores 0-13 versus 14-25). Son intérêt est uniquement pronostique. Mais les réponses apportées par RxPONDER sont majeures, de grande qualité méthodologique et changent de façon très significative les pratiques », commente la Dr Suzette Delaloge.

La chimiothérapie adjuvante inutile chez les femmes ménopausées

Au terme de cinq ans de suivi, les femmes en préménopause ont tiré bénéfice de la chimiothérapie adjuvante en termes de survie sans rechute invasive. Leur survie sans récidive à distance est également significativement doublée. Elle est améliorée en valeur absolue de 3 % à cinq ans (taux de rechutes à distance : 3,1 % C+H vs 6 % H seule ; RR = 0,54 [0,4-0,8]; p = 0,0004). On observe aussi un bénéfice significatif en survie globale (98,6 % vs 97,3 %; RR = 0,47 [0,3-0,9]; p = 0,03), améliorée en valeur absolue de 1,3 % à cinq ans.

En revanche, les femmes en post ménopause n'ont pas tiré bénéfice de la chimiothérapie. La survie sans rechute invasive et la survie sans récidive à distance ne sont pas significativement modifiée (rechutes à distance : 2,3 % C+H vs 2,6 % H seule, RR = 0,97 [0,8-1,2]; NS). Après la ménopause, les cancers du sein précoce RH+/ HER2- /N1 associés à un score de 0-25 ne tirent donc aucun profit d'une chimiothérapie adjuvante, tout du moins à cinq ans de recul. Ceci est vrai indépendamment du nombre de ganglions envahis (1-3), du grade tumoral et de la taille de la tumeur.

« Concernant la dichotomie de bénéfice avant et après la ménopause pour un même score, elle confirme avec force les données de TAILORx (4) et MINDACT (5), relève la Dr Delaloge. Aujourd'hui ce corpus de trois études - MINDACT, TAILORx (cancers N0) puis RxPONDER (cancers N1) - montre clairement que les tests génomiques permettent d'affiner le pronostic (le risque de rechute) mais ne sont pas prédictifs du bénéfice de la chimiothérapie. La dichotomie avant/après la ménopause va permettre d'arrêter de traiter inutilement de nombreuses femmes ménopausées. C'est une bonne nouvelle à moduler par le fait que l'on n'a actuellement rien d'autre à proposer à la place de la chimiothérapie... ».

Et chez les patientes en préménopause ?

« RxPONDER met aussi en évidence qu'avant la ménopause, même s’il y a un bénéfice statistique dans l’ensemble de la population, nombre de femmes n’auraient en fait, malgré tout, pas besoin de la chimiothérapie. En l’absence de chimiothérapie adjuvante, 89 % des femmes n'ont en effet pas rechuté à cinq ans. On les traite donc pour rien sans pour autant pouvoir arrêter de les traiter. Des progrès restent à faire pour encore mieux distinguer qui a réellement besoin d’une chimiothérapie parmi ces femmes », conclut la Dr Delaloge.

RxPonder

(1) www.OncotypeIQ.fr.
(2) Kalinsky K et al. Oral Presentation: [GS3-00]. Rx for Positive Node, Endocrine Responsive Breast Cancer, San Antonio Breast Cancer Symposium 2020.
(3) Heer E et al. Global burden and trends in premenopausal and postmenopausal breast cancer: a population-based study. The Lancet Global Health 2020;8:e978-e979. (4) Sparano JA et al. Adjuvant Chemotherapy Guided by a 21-Gene Expression Assay in Breast Cancer. NEJM 2018; 379:111-21
(5) Cardoso F et al. 70-Gene Signature as an Aid to Treatment Decisions in Early-Stage Breast Cancer. NEJM 2016; 375:717-29

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr