Vers une meilleure prise en charge 

Amylose à transthyrétine : l’essor des traitements

Publié le 26/05/2023
Article réservé aux abonnés
Des progrès considérables bouleversent aujourd’hui la prise en charge thérapeutique de l’amylose à transthyrétine (TTR), avec notamment l’arrivée du tafamidis (stabilisateur de la TTR). Mais d’autres traitements, comme les bloqueurs de la production de la TTR et les anticorps monoclonaux, s’annoncent prometteurs…
Physiopathologie de l’ATTR et place d’intervention des nouvelles thérapeutiques

Physiopathologie de l’ATTR et place d’intervention des nouvelles thérapeutiques
Crédit photo : DR

L’amylose est une pathologie liée à un défaut de repliement protéique aboutissant à la formation de fibrilles amyloïdes insolubles, qui se déposent et s'accumulent dans différents tissus et organes, comme le cœur. Elle entraîne la dysfonction des organes touchés, puis le décès. Deux types prédominent dans l’atteinte cardiaque : les amyloses à chaines légères d’immunoglobulines (AL) et les amyloses à TTR (ATTR). Depuis l’utilisation de la scintigraphie osseuse pour son diagnostic, l’ATTR est maintenant la forme la plus fréquence, retrouvée dans environ 15 % des insuffisances cardiaques à fraction d’éjection préservée et des rétrécissements aortiques serrés. Dans les séries autopsiques, elle est observée, à des degrés plus ou moins prononcés, dans 25 % des cœurs après 85 ans (1). Du fait de cette importante prévalence, la recherche dans le domaine des traitements de l’ATTR a connu de considérables progrès au cours des dernières années.

La transthyrétine (TTR) est une protéine tétramérique produite par le foie, capable de se déstabiliser en monomères, qui vont former les fibrilles amyloïdes venant se déposer dans les organes. Les raisons en sont inconnues dans la forme sauvage (mais associées à l’âge), ou liées à une mutation dans la forme héréditaire. Les traitements de l’ATTR ont pour objectif de stopper le processus de dépôt protéique, en bloquant la production de la protéine ou en stabilisant le tétramère, et de supprimer les fibrilles amyloïdes pour permettre la restauration fonctionnelle des organes (2).

Les stabilisateurs de la transthyrétine

Il existe plusieurs molécules stabilisatrices du tétramère de la TTR, permettant d’empêcher la formation de monomères et, par extension, des fibrilles amyloïdes. Parmi ces molécules, la tafamidis a déjà prouvé son efficacité sur les atteintes neurologiques des ATTR héréditaires. Dans l’essai ATTRACT, il montre également une diminution relative de 30 % de la mortalité et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque en cas d’amylose cardiaque, ainsi qu’un ralentissement de la dégradation de la qualité de vie et des capacités fonctionnelles au travers du test de marche des six minutes (3). Le tafamidis (61 mg) est le seul traitement étiologique de l’ATTR cardiaque, ayant à ce jour une autorisation de mise sur le marché en France et en Europe dans cette indication.

Les bloqueurs de la production

Parmi les molécules bloquant la production de la TTR, se trouvent les « extincteurs » et les éditeurs de gène. Les « extincteurs » de gène sont des acides ribonucléiques (ARN) simple (ARN antisens) ou double brin (ARN interférent) qui vont venir s’appareiller à l’ARN messager du gène de la TTR, pour empêcher sa traduction et entraîner sa destruction. Les traitements en cours de développement combinent différents vecteurs, permettant le transport spécifique vers les hépatocytes (en administration intraveineuse ou sous-cutanée), et diverses compositions chimiques capables d’allonger la durée de diffusion de la thérapeutique au sein des hépatocytes. Trois traitements - patisiran, vutrisiran (ARN interférents) et inotersen (ARN antisens) - ont déjà prouvé leur efficacité sur les atteintes neurologiques des ATTR héréditaires. Le patisiran a montré des résultats prometteurs sur les paramètres morphologiques et fonctionnels cardiaques dans l’étude APOLLO (4), ainsi que sur la qualité de vie et les capacités fonctionnelles dans l’essai APOLLO B. D’autres molécules, de demi-vie plus longue, sont en cours d’étude dans l’atteinte cardiaque, comme le vutrisiran dans l’essai HELIOS B ou l’eplontersen dans Cardio-TTRansform.

Quant à l’édition génique dans le traitement de l’ATTR, son principe repose sur la suppression du gène de la TTR, au niveau des hépatocytes, en utilisant le système CRISPR-Cas9. Les premiers résultats des phases précoces, ayant évalué la molécule NTLA-2001, ont montré la capacité de ce traitement à supprimer la TTR circulante, après une seule administration (5). Une étude de phase 3, incluant des patients présentant une atteinte cardiaque, débutera prochainement.

Les suppresseurs des fibrilles amyloïdes

Des résultats avaient laissé espérer la possibilité de traiter tous les types d’amyloses, grâce au développement d’un anticorps monoclonal ciblant la protéine sérum amyloïde (SAP), protéine sérique non fibrillaire participant à la constitution des fibrilles amyloïdes. Mais ceux-ci ayant été décevants, c’est vers les anticorps monoclonaux dirigés contre la TTR que s’orientent maintenant les recherches dans le domaine des ATTR. L’objectif est de développer des anticorps monoclonaux ciblant les épitopes du monomère de la TTR, non exposés sur le tétramère, de façon à agir sur les fibres amyloïdes et favoriser leur clairance via un recrutement macrophagique et leur phagocytose. Une molécule, le PRX004 (récemment renommée NNC6019-0001) a montré un bon profil de sécurité dans une étude de phase 1. L’essai de phase 2 devrait débuter prochainement. Quant au NI301A, il a prouvé sa capacité de recrutement macrophagique dans une étude ex-vivo. Enfin, l’étude de phase 1 testant le NI006 est en cours de finalisation.

Ainsi, le traitement des ATTR connaît depuis quelques années des avancées majeures, en parallèle de l’amélioration de la compréhension de son épidémiologie. L’arrivée du tafamidis, stabilisateur du tétramère, a pour la première fois permis de diminuer la mortalité des patients avec atteinte cardiaque. D’autres traitements bloquants le processus physiopathologique sont en phase d’essais cliniques. Mais les regards se tournent vers les anticorps monoclonaux, avec l’espoir d’une réversibilité de cette pathologie que l’on pensait jusqu’alors incurable.

CHU de Toulouse
(1) Aimo A et al. Redefining the epidemiology of cardiac amyloidosis. A systematic review and  meta-analysis of screening studies. Eur. J. Heart Fail. 2022
(2) Garcia-Pavia P et al. Diagnosis and treatment of cardiac amyloidosis: a position statement of the ESC  Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur. Heart J. 2021;42:1554–68
(3) Maurer MS et al. Tafamidis Treatment for Patients with Transthyretin Amyloid Cardiomyopathy. N. Engl. J. Med. 2018;379:1007–16
(4) Solomon SD et al. Effects of Patisiran, an RNA Interference Therapeutic, on Cardiac Parameters in Patients With Hereditary Transthyretin-Mediated Amyloidosis. Circulation 2019;139:431–43
(5) Gillmore JD et al. CRISPR-Cas9 In Vivo Gene Editing for Transthyretin Amyloidosis. N. Engl. J. Med. 2021;385:493–502

Pr Olivier Lairez

Source : Bilan Spécialiste