Anémie après infarctus du myocarde : une stratégie transfusionnelle libérale est comparée à une approche restrictive

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Publié le 16/11/2023
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Poches de sang - image d'illustration

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Crédit photo : BURGER / PHANIE

Démarrée en 2017, l’étude Mint (pour Myocardial Ischemia and Transfusion) menée avec le soutien académique des Instituts nationaux de la santé américains, livre ses premiers résultats. Cet essai clinique, comprenant 3 500 patients répartis dans 144 établissements de six pays différents, compare les stratégies transfusionnelles restrictive et libérale en cas d’infarctus aigu du myocarde chez un patient anémique (taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dl).

L'objectif est de préciser la prise en charge et d'établir des normes transfusionnelles, afin d’améliorer le taux de survie et réduire le risque de récidive d'infarctus. Le critère principal de jugement était composite de la survenue d'infarctus du myocarde et de décès à 30 jours.

Durant l’étude, la moitié des participants anémiques ont été randomisés dans le groupe stratégie restrictive (transfusion autorisée mais non obligatoire pour un taux d’hémoglobine < 8 g/dl ; et transfusion très fortement recommandée pour un taux < 7 g/dl ou symptômes d'angor non contrôlés) ; l'autre moitié dans le groupe stratégie libérale (transfusion d'une unité de concentrés globulaires après la randomisation puis de nouveau pour maintenir le taux ≥ 10 g/dl jusqu'à la sortie ou à 30 jours).

De meilleurs résultats de santé avec la stratégie libérale

Les résultats, publiés dans la revue The New England Journal of Medecine, le 11 novembre dernier, sont nuancés. « L'étude a manqué d'un peu de puissance pour que les résultats soient statistiquement significatifs, mais ça ne signifie pas qu'ils ne sont pas intéressants, décrit le Pr Grégory Ducrocq, coordinateur national de l'étude en France et cardiologue à l'hôpital Bichat-Claude-Bernard (AP-HP). D’autant plus que nous sommes à la lisière de la significativité. »

Durant l’essai, 16,9 % patients du groupe stratégie restrictive et 14,5 % du groupe stratégie libérale ont présenté un nouvel infarctus du myocarde ou sont décédés. Un décès est survenu chez 9,9 % des patients avec la stratégie restrictive et chez 8,3 % de ceux avec la stratégie libérale ; un infarctus du myocarde est survenu respectivement chez 8,5 % et 7,2 % des patients. « Ce qui tend à montrer qu'une stratégie libérale serait bénéfique pour les patients », estime le spécialiste.

Dans la continuité de l'étude Reality

Ces résultats font écho à ceux d’un essai clinique, baptisé Reality et mené sur 668 patients par le département de cardiologie de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard (AP-HP), publiés dans le JAMA en 2021. Le Pr Grégory Ducrocq avait déjà commenté à cette époque pour le Quotidien. « Reality avait donné des résultats contradictoires à 30 jours et à un an, que nous avions expliqué par le manque de puissance de l'étude qui était de taille modeste, décrit-il. L'étude Mint est bien plus robuste et ses résultats, même s'ils ne sont pas statistiquement significatifs, vont sûrement être pris en compte dans de futures recommandations ». Ce d'autant que « de potentiels dommages liés à une stratégie restrictive ne peuvent être exclus », écrivent en conclusion les auteurs.

Lorsque son équipe avait commencé l'étude Reality, elle avait noté une grande hétérogénéité des pratiques. « 50 % des centres pratiquaient l'approche restrictive, 50 % l'approche libérale puisqu'il n'y avait pas de données cliniques. Je pense que les résultats de Mint vont dorénavant guider la pratique clinique », estime-t-il.

Sylvie Nadin

Source : lequotidiendumedecin.fr