Pr Jean-Sébastien Hulot, hôpital européen Georges Pompidou (Paris)

« De nouvelles voies thérapeutiques dans l'insuffisance cardiaque »

Par
Publié le 26/05/2023
Article réservé aux abonnés
L'arrivée de nouvelles thérapeutiques avec un très bon profil de tolérance, change la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (IC), y compris en cas de décompensation. Les inhibiteurs de SGLT2, comme l'empagliflozine et la dapagliflozine, conviennent dans de nombreuses situations.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Quelle place pour les inhibiteurs de SGLT2 dans l'IC à fraction d’éjection réduite ?

Pr JEAN-SÉBASTIEN HULOT : Les recommandations européennes ont été révisées en septembre 2021 avec l'arrivée des gliflozines en traitement de première ligne de l'IC, alors qu'elles étaient en effet initialement développées pour traiter le diabète. Il s'est révélé que ces molécules étaient aussi d'excellents traitements de l'IC, que le patient soit diabétique ou non. La dapagliflozine et l'empagliflozine représentent même une révolution dans la prise en charge des IC à fraction d’éjection (ICFE) réduite, ajoutées aux autres traitements, avec une réduction des réhospitalisations pour IC et de la mortalité. Elles sont désormais indiquées en première ligne pour tous les patients avec une ICFE réduite.

Et en cas de fraction d’éjection préservée ?

Depuis moins d'un an (après la parution des recommandations européennes), l'empagliflozine et la dapagliflozine ont aussi été les deux premières molécules à avoir montré leur efficacité dans la prise en charge des ICFE préservée ou modérément réduite (fraction d’éjection ventriculaire gauche > 40 %), en diminuant notamment les réhospitalisations pour IC. Les bénéfices ont été observés, que le patient soit diabétique ou non. En revanche, pour les diabétiques, le traitement doit être modifié en vue de privilégier les gliflozines pour la prévention cardiovasculaire et la prise en charge de l'IC. Les gliflozines s'imposent désormais comme premier choix chez les patients diabétiques, avec une cardiopathie.

Comment gérer la survenue d'une décompensation congestive ?

Publiée en septembre 2022, l'étude ADVOR a montré l'intérêt d'une courte cure d'acétazolamide en intraveineux (IV) pour la prise en charge de l'insuffisance aiguë à l'hôpital, en complément d'un diurétique de l'anse (furosémide). Cela permet d’obtenir une meilleure décongestion, plus rapidement, avec un moindre risque de réhospitalisation pour une nouvelle décompensation.

Comment réagir dans un second temps ?

Juste après la prise en charge de la phase aiguë de l'IC, il faut très vite mettre en route le traitement de fond de l'IC, avec aujourd'hui cinq lignes de traitement à introduire sans perdre de temps : inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou sacubitril/valsartan, bêtabloquants, antialdostérone, diurétiques et gliflozines. Selon une nouvelle étude française conduite à l’hôpital Lariboisière (STRONG-HF), l'introduction des traitements en même temps, avec une stratégie de titration très rapide (sur deux semaines) associé à un suivi renforcé pendant les deux premiers mois, est une stratégie payante. Cela permet de mieux lutter contre le surrisque immédiat, après une décompensation cardiaque. Le patient pourrait donc sortir de l'hôpital avec sur son ordonnance ces cinq lignes de traitement, une titration rapide et un suivi renforcé pour la tolérance. Ainsi, réagir vite sans attendre, s'accompagne d'un bénéfice important en termes de réduction des évènements cardiaques et de la mortalité.

Pourquoi rechercher une amylose cardiaque comme étiologie ?

Environ 5 à 10 % des patients avec une IC (souvent une ICFE préservée) sont concernés par l’amylose cardiaque. Jusqu'en 2016, aucun traitement de cette pathologie n’était disponible. Désormais, on dispose de molécules très efficaces (comme le tafamidis), qui changent le pronostic des amyloses à transthyrétine, en réduisant de 30 % la survenue d'évènements graves chez ces patients. D'autres molécules très innovantes sont attendues prochainement : ARN interférent ou ARN antisens. Elles sont déjà indiquées en cas d’amyloses neurologiques et sont en cours d’évaluation dans l'amylose cardiaque, où elles pourraient donc être rapidement disponibles.

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste