C'est un très grand nom de la cardiologie mondiale qui vient de s’éteindre : le Pr Alain Cribier, pionnier de l'angioplastie et inventeur du Tavi s'est éteint à l'âge de 79 ans. Membre honoris causa de l'Académie nationale de médecine et ancien Chef du service de cardiologie au CHU de Rouen après des études de médecine à Paris, le Pr Cribier a dû batailler dur contre les idées préconçues pour réussir ses deux premières mondiales : la première dilatation aortique percutanée en 1985, puis la première implantation de prothèse aortique par cathéter (Tavi) en 2002.
Spécialiste du Tavi, la Pr Martine Gilard (université de Bretagne occidentale) a fréquenté pendant 30 ans celui qu'elle qualifie de « plus grand cardiologue du XXIe siècle », aux côtés du Pr Andreas Grüntzig (cardiologue allemand, inventeur de la dilatation par ballonnet). Le Pr Cribier « était désespéré, dans les années 1980, de voir des hommes et des femmes mourir de rétrécissement aortique », se souvient la Pr Gilard. Il a alors l'idée d’ouvrir l’orifice aortique rétréci et calcifié pour rétablir la bonne ouverture de la valve, une idée qui suscite le scepticisme de la communauté des cardiologues : « Tout le monde pensait que les plaques calcaires étaient trop résistantes, il a prouvé que ce n'était pas le cas », poursuit-elle.
La lutte pour convaincre
Ce premier succès sera paradoxalement préjudiciable au Pr Cribier, quand il est apparu que les patients se resténosaient dans 80 % des cas. « Les gens ont alors estimé que ce genre d'intervention était inutile, et ils se sont détournés de lui », se remémore avec amertume la Pr Gilard. Aussi, quand le Rouennais propose de remplacer la valve aortique par voie transcutanée, il doit se battre pendant 5 ans avant de trouver un support industriel pour fabriquer la valve. Entretemps, il invente en 1992 le commissurotome (appareil utilisé pour le redressement mitral) abordable, restérilisable et réutilisable, destiné aux pays en voie de développement.
Faute d'industriels français et internationaux prêts à se lancer dans l’aventure, il fonde une start-up en Israël avec le cardiologue américain Martin Leon, responsable du congrès américains le TCT (Transcatheter Cardiovascular Therapeutics) et deux ingénieurs de Johnson & Johnson afin de produire les premières valves aortiques.
« Des millions de personnes sont sauvées chaque année avec une nette amélioration de leur qualité de vie » grâce au Tavi, rappelle la Pr Gilard. « Avant cette opération, la mortalité était de 50 % à deux ans dès les premiers symptômes », précise-t-elle. Le Pr Cribier voulait dès le début que son opération soit la moins invasive possible, sous anesthésie locale comme une angioplastie coronaire. Là encore, des années ont été nécessaires pour convaincre les autres centres d'adopter ce minimalisme.
Plus de 20 ans après, le Tavi sous anesthésie locale est devenu le traitement de première intention de la sténose aortique. « Cela a été une épopée extraordinaire, abonde la Pr Gilard, avec de nombreuses études randomisées qui a révolutionné la prise en charge de la valvulopathie. » Pour accompagner l'essor du Tavi, l'imagerie par IRM et scanner nécessaire à l'implantation de la valve ont aussi connu un fort développement.
Un autre tour de force à mettre au crédit du Pr Cribier : réussir à intéresser les étudiants en médecine aux valves, un sujet « qui n'était pas porteur jusque-là, se souvient le Pr Gilard. Aujourd'hui, c'est une des premières spécialités en cardiologie, avec des travaux menés sur les autres valves : mitrale, tricuspide… ».
Fidèle de la « ville aux cent clochers »
Malgré son succès mondial, le Pr Cribier est resté attaché à son équipe de Rouen, avec qui il a poursuivi ses recherches sur le rétrécissement aortique, en particulier au sein du programme de recherche hospitalo-universitaire (RHU) STOP-AS et du centre de simulation de Rouen.
Dans un communiqué, la Société Française de Cardiologie « témoigne de sa tristesse et de sa douleur mais aussi de son immense fierté », d’avoir compté parmi elle le Pr Alain Cribier, saluant « ses qualités humaines ». Un hommage lui sera rendu au CHU de Rouen. La ministre de la Santé Catherine Vautrin a fait part sur X (ex-twitter) de sa « profonde tristesse » à l’annonce du décès de l’« éminent cardiologue ».
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