Ces dernières années, grâce à l’apparition de nouvelles techniques d’imagerie endocoronaire et de nouvelles mesures intracoronaires, des anomalies de la microcirculation coronaire ont été décrites, expliquant des symptômes jusqu’à présent de cause inconnue rapportés par de nombreux patients.
Minoca, maladie aiguë
Les Minoca, pour Myocardial infarction with non-obstructive coronary artery disease, sont des infarctus du myocarde – soit des situations aigues, avec douleurs, élévation de la troponine, ECG anormal – sans anomalie retrouvée à la coronarographie. Cette entité a été identifiée il y a une dizaine d’années, en 2013, grâce à deux types de techniques d’imagerie : l’IRM cardiaque, et l’imagerie endocoronaire (tomographie par cohérence optique [OCT] ou échographie intravasculaire [IVUS]), qui permettent d’observer des phénomènes de taille millimétrique ou micrométrique, invisibles à la coronarographie. Plus précisément, quatre grandes étiologies de Minoca ont été découvertes :
- La plus fréquente (38 à 40 % des patients atteints de Minoca) concerne la rupture, érosion ou fissure d’une plaque d’athérome : un thrombus en formation, de taille extrêmement réduite et visible uniquement en imagerie endocoronaire, peut migrer en distalité, dans la microvascularisation coronaire, et provoquer des micro-infarctus.
– D’autres Minoca peuvent être causés par une dissection coronaire spontanée, elle-même due à la présence d’un hématome entre l’intima et la media de l’artère, entraînant une réduction du flux coronaire et un infarctus visible uniquement en imagerie coronaire.
– Des cas de Minoca peuvent avoir pour origine un angor vasospastique – avec des zones de nécroses focales visibles à l’IRM cardiaque après test de provocation à l’acétylcholine ou au Merthergin.
– Enfin, une dysfonction microvasculaire peut être en cause.
Au total, 5 à 10 % des patients atteints d’infarctus – majoritairement jeunes et de sexe féminin – seraient concernés. Jusqu’à il y a peu, ces individus ne pouvaient bénéficier d’un diagnostic précis et étaient souvent traités de façon empirique. Et ce alors même que le taux de mortalité annuel parmi les sujets touchés par un Minoca atteint 2 %, sans compter la morbidité liée à un risque élevé de récidive d’infarctus, d’AVC, ou au développement d’une insuffisance cardiaque. Aujourd’hui, le diagnostic de Minoca et de son étiologie permet d’orienter la prévention (interventionniste), et le traitement – exclusivement médicamenteux (double antiagrégation plaquettaire, statine, plus ou moins un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II), sans angioplastie ni implantation de stent.
Inoca et Anoca, maladies chroniques
Plus récemment, depuis quatre à cinq ans, deux autres nouvelles entités relatives à des situations chroniques ont émergé : les Inoca, pour Ischemia with non obstructive coronary artery disease et les Anoca, pour Angina with non obstructive coronary artery disease, qui concernent des patients présentant des symptômes de cardiopathie ischémique ou d’angor souvent atypiques, avec parfois seulement blockpnée, asthénie ou douleur d’épaule à l’effort mais, là encore, sans anomalie à la coronarographie.
Ces nouvelles maladies font encore l’objet de recherches par PET-scan, IRM cardiaque ou encore scintigraphie myocardique, mais des techniques plus invasives – coronarographie avec tests de microcirculation – sont passées en routine pour aider le diagnostic.
En fait, ces techniques invasives permettent de mettre en évidence deux grands types d’anomalies de la microcirculation : un défaut de remodelage structurel (avec diminution de la densité des capillaires, de leur conductance), et un spasme de la microcirculation (lié à une hypersensibilité artérielle, aggravée par des facteurs de risque cardiovasculaire tels que le tabagisme, le diabète, la consommation de cannabis ou de cocaïne, etc.). Trois grands profils de patients peuvent être retrouvés : ceux ayant surtout un défaut de remodelage structurel, ceux ayant surtout des spasmes de la microcirculation, et un profil mixte.
Au total, 40 % des patients atteints d’angor pourraient en fait être concernés par un Anoca. Là encore, il s’agit souvent de patientes, jeunes, présentant souvent des cardiomyopathies – hypertrophiques ou dilatées, associée à des facteurs de risques cardiovasculaires – qui jusqu’à présent demeuraient en errance diagnostique, avec une qualité de vie très altérée.
Difficulté d’accès à l’imagerie
Le traitement repose sur la prise en charge des facteurs de risque (diabète, HTA, dyslipidémie), l’introduction d’aspirine à faible dose et de vasodilatateurs – bêta-bloquants et inhibiteurs calciques en cas d’angor microvasculaire, et inhibiteurs calciques seuls en cas de spasme microcirculatoire. Par ailleurs, la rééducation cardiovasculaire apparaît fondamentale.
Finalement, si toutes ces entités, et en particulier les Minoca, semblent de mieux en mieux connues, le diagnostic demeure limité par l’accessibilité aux examens. Par exemple, les délais pour accès à une IRM cardiaque sont long, et l’imagerie endocoronaire, très onéreuse, n’est pas remboursée. Quoi qu’il en soit, la science progresse, ouvrant des perspectives d’amélioration de ces techniques dans les années à venir. Et la recherche de nouveaux traitements n’est pas en reste, laissant espérer des progrès dans la prise en charge des symptômes et le pronostic.
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