Baisse de la pression artérielle au bloc

Éviter la phényléphrine ?

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Publié le 27/11/2017
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Dans les situations de baisse de la pression artérielle (PA) au bloc opératoire, où il est légitime d’avoir recours à un vasopresseur, trois agents peuvent être utilisés : l’éphédrine, la phényléphrine et la noradrénaline.

Le choix se fonde sur deux principaux paramètres : la puissance d’action de la molécule (la phényléphrine est 100 fois plus puissante que l’éphédrine, et 20 fois moins que la noradrénaline) et sa pharmacodynamie. La phényléphrine est un agoniste alpha-adrénergique pur, totalement dénuée d’effet bêta, alors que les deux autres vasopresseurs ont des effets alpha et bêta. Ces différences ont un effet en clinique, comme cela a été bien montré dans plusieurs études.

Chez des patients tout venant, sans cardiopathie connue, phényléphrine et noradrénaline permettent une correction comparable de la PA, mais la première entraîne une baisse significative de la performance systolique ventriculaire gauche. Des données similaires sont rapportées chez des patients à risque (cardiopathie ischémique ou valvulopathie aortique). « La baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) s’accompagne d’une augmentation importante de la post-charge du VG, ce qui est cohérent avec le profil pharmacodynamique de la molécule », souligne le Pr Jean-Luc Fellahi (hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon).

Caractère précharge dépendant

Des études chez l’animal ont permis de montrer que l’effet résultant de la phényléphrine sur le retour veineux systémique et sur le débit cardiaque dépend du caractère précharge dépendant ou non. Ces données, rapportées sur un modèle porcin, ont été validées chez l’humain, dans un travail publié en 2016 : chez le patient précharge dépendant, la phényléphrine ne fait pas chuter le débit cardiaque, alors que chez le patient précharge indépendant, elle entraîne une baisse de 20 % de l’index cardiaque (1). De plus, la diminution du débit cardiaque s’accompagne d’une réduction de l’oxygénation tissulaire périphérique, avec des effets potentiellement délétères plus marqués qu’avec la noradrénaline.

Les conséquences de ces effets hémodynamiques sur le pronostic des patients n’ont pas encore fait l’objet d’études spécifiques, mais un travail rétrospectif mené aux États-Unis, sur une vaste cohorte de près de 30 000 patients en choc septique, a montré une association statistique entre l’augmentation du recours à la phényléphrine en période de pénurie de noradrénaline et la mortalité.

Des études prospectives devraient voir le jour pour répondre à cette question. « On peut se passer de la phényléphrine au bloc opératoire et la remplacer par de l’éphédrine en première intention ou un bolus de noradrénaline en deuxième intention, en respectant les équivalences de doses », estime le Pr Fellahi, qui précise que la noradrénaline peut être utilisée en bolus sur une voie veineuse périphérique après dilution.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Luc Fellahi, hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon
(1) Rebet O et al. Eur j Anaesthesiol 2016;33:638-44

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste