Lipides

Le pemfibrate échoue à réduire les évènements cardiovasculaires, malgré la baisse des triglycérides

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Publié le 20/12/2022
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Chez des sujets à haut risque (sous statine et avec un cholestérol LDL normalisé), le pemfibrate n’apporte pas de bénéfice clinique sur les évènements cardiovasculaires, alors qu’il réduit des marqueurs intermédiaires comme les triglycérides.

Crédit photo : phanie

Un excès de triglycérides et/ou un défaut de cholestérol HDL (HDLc) étant des facteurs de risque d'athérosclérose, modifier leurs taux est supposé avoir des effets favorables sur le risque cardiovasculaire (CV). Mais l'étude PROMINENT (1), présentée au congrès de l’American Heart Association (AHA) et publiée dans le New England Journal of Medecine (NEJM) rebat les cartes…

Plus de 10 000 sujets à haut risque inclus

Cet essai randomisé, mené en double aveugle, teste l'activité du pemfibrate (0,2 mg deux fois par jour), versus placebo, chez des sujets à haut risque CV. Cette fibrate, de type PPAR-alpha (agoniste des récepteurs alpha activés par les proliférateurs de peroxysomes), est supposée plus active sur la portion athérothrombotique de cholestérol, que les autres fibrates disponibles.

Les investigateurs ont inclus plus 10 000 diabétiques de type 2. Tous présentaient une hypertriglycéridémie moyenne à modérée (entre 2 et 5 g/l) et un HDLc bas (< 0,4 g/l) et un taux de LDLc inférieur à 1 g/l. D'ailleurs, 96 % des patients étaient traités par statine (sauf intolérance), et les deux tiers à haute dose. Ainsi, à l'inclusion, leurs taux médians de TG, HDLc et LDLc sont respectivement de 2,7 g/l, 0,33 g/l et 0,78 g/l. Enfin, deux tiers des patients avaient déjà souffert d'un évènement CV et sont donc en prévention secondaire.

Une baisse de 25 % des triglycérides, VLDLc, cholestérol rémanent et ApoC-III

Après 3,4 ans de suivi, chez les patients sous pemfibrate (par rapport à ceux du bras contrôle), une réduction significative d'environ 25 % est retrouvée pour les taux moyens de triglycérides (TG : -26,2 %), VLDL cholestérol (VLDLc : -25,8 %), cholestérol rémanent (-25,6 %) et apolipotrotéine C-III (ApoC-III : -27,6 %). Quant au taux d'apolipoprotéine B (Apo B), il augmente de près de 5 % (+4,8 %). Néanmoins, le taux d'évènements CV majeurs prédéfinis (infarctus du myocarde [IDM], AVC, décès CV et revascularisation) n'est pas différent. « Le bras pemfibrate n'a pas bénéficié du traitement. À 3,4 ans de suivi moyen, moment où l'étude a été interrompue pour futilité, le taux d'évènements CV majeurs (IDM, AVC, décès CV, revascularisations) ne diffère pas dans les deux bras. Il est autour de 10 % à 3,4 ans (RR=1,03 fibrate versus placebo) », commente les auteurs. Ceci est observé dans tous les sous-groupes, y compris en prévention secondaire. Ainsi, l’étude montre qu’il est possible d’être efficace sur des marqueurs intermédiaires (TG, VLDLc, cholestérol rémanent, Apo C-III), sans pour autant abaisser le taux d'évènements cardiovasculaires.

Par ailleurs, les effets secondaires rénaux et thromboemboliques sont significativement majorés. En revanche, le point positif associé au traitement est un recul de l'incidence des stéatohépatites non alcooliques (NASH).

Une balance complexe

« PROMINENT est la troisième étude récente à ne pas trouver de bénéfice associé à une réduction des TG, du moins lors d'élévations modérées en TG. Pourtant, l'étude porte sur des patients à haut risque. Pourquoi un tel échec, s'interroge le Dr Salim S Virani dans son éditorial (2). Malgré un effet sur les TG et le cholestérol rémanent, le taux de non-HDLc n'est pas significativement réduit. Et surtout le taux d'Apo B n'a pas significativement baissé. Or, réduire le taux d'Apo B semble indispensable si on veut obtenir une diminution des évènements. Manifestement, les fibrates n’en sont pas capables, du moins en présence de statine à dose modérée à forte ».

« Par ailleurs, en raison de son mode d'action (stimulation de la lipoprotéine lipase), le pemfibrate tend à augmenter le LDLc athérogène. Nous avons donc une réduction du cholestérol rémanent, mais au prix d'une tendance à une hausse du LDLc et de l'Apo B, avec un effet non significatif sur le HDLc, ajoute l’éditorialiste. Pour espérer être efficace, un traitement anti-triglycéride devrait probablement agir en augmentant la clairance des TG et lipoprotéines riches en cholestérol rémanent, plutôt que simplement convertir le cholestérol rémanent et les lipoprotéines en LDLc », conclut-il.

(1) Das Pradhan A et al. Triglyceride lowering with pemafibrate to reduce cardiovascular risk. NEJM 2022;387:1923-34.
(2) Virani S S. The fibrates story : A tepid end to a PROMINENT Drug. NEJM 2022;387:1991-92.

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr