Chez les coronariens

L'insomnie, facteur de récidives

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Publié le 10/06/2022

Les coronariens sont souvent insomniaques, plus que la population générale de même âge ou de même sexe. Si l'insomnie reflète potentiellement un certain niveau de stress, son effet sur le devenir cardiovasculaire (CV) des coronariens restait incertain. Mais une récente étude norvégienne vient éclairer le débat…

Crédit photo : Phanie

Une équipe norvégienne a mis en place une cohorte prospective, qui rassemble plus de 1 000 patients inclus entre 2014 et 2015, en moyenne un peu plus d'un an (2-36 mois) après un premier évènement coronaire survenu entre 2011 et 2014. À l’inclusion, ces sujets ont entre 18 et 80 ans, avec un âge moyen de 62 ans. Quatre sur cinq viennent de faire un infarctus du myocarde (IDM) caractérisé (type 1), un quart d'entre eux ont été revascularisés par angiostenting ou pontage pour angor stable ou instable.

Une cohorte prospective plutôt masculine

En Norvège, les hommes restent largement plus touchés. La cohorte comprend donc 80 % d'hommes (21 % de femmes). Le suivi moyen est de 4,2 ans (3,6-4,8 ans) après inclusion, 5,7 ans (3,9 – 7,7 ans) après l'évènement coronaire index.

Au sein de la cohorte, le score moyen d'insomnie (Bergen Insomnia Scale [BIS], 0-42) est de 14. Près d'une personne sur deux (45 %) peut être qualifiée d'insomniaque. D'ailleurs, 15 % de la cohorte a eu recours la semaine précédant l'inclusion à un somnifère. Enfin, la moitié sont à haut risque de syndrome obstructif d'apnée du sommeil (SAOS).

Au terme du suivi, 346 évènements sont survenus chez 225 patients, dont 39 décès cardiaques, soit un risque d'évènements majeurs de 21 % (19-24 %) dont 3,4 % (0,8 %/an) de décès cardiaques.

Troisième facteur de risque après le tabac et l'inactivité physique

L’insomnie clinique et le score BIS élevé sont associés à un surrisque d'évènements augmenté de 60 % (RR = 1,62 ; 1,2- 2,1), après ajustement sur l'âge et le sexe dans une analyse stratifiée sur la présence, ou non, d'antécédents coronaires.

Si on se limite à l'insomnie clinique, le surrisque est un peu plus limité : il plafonne à 50 % (RR = 1,49 ; 1,1-2). Néanmoins, l'ajustement sur les facteurs de risque CV traditionnels et les comorbidités CV modifie peu cet impact : l'insomnie reste un facteur de risque indépendant associé à plus de 40 % de récidives (RR = 1,4 ; 1,05-1,9 ; p = 0,023). De même, le score BIS a un impact sur le risque d'évènements. A contrario, dans cette cohorte, être à haut risque de SAOS ne majore significativement pas le risque (RR = 1,2 ; 0,9-1,6, NS).

Enfin, l'analyse de l’effet des divers facteurs sur le risque d'évènements met en évidence que l'insomnie a un poids important dans la balance. Sachant qu'au total dans cette cohorte, les facteurs de risque potentiellement modifiables représentent à eux tous près de 70 % du risque total d'évènements (53 – 80 %). « L'insomnie clinique porte à elle seule 16 % (4 %-26 %) du risque attribuable d'évènements majeurs (IDM, AVC, décès cardiovasculaires). Elle n'est devancée que par le tabagisme, comptant pour 27 % du risque (5-44 %) et une faible activité physique comptant pour 21 % du risque (5-35 %), soulignent les auteurs. Et ce résultat est tout à fait raccord avec celui de la cohorte NORCOR publiée en 2020 (2) ».

(1) Aasteb l Fr jd L et al. Insomnia as a predictor of recurrent cardiovascular events in patients with coronary heart disease. SLEEP Advances 2022; 3: zpac007, doi.org/10.1093/sleepadvances/zpac007
(2) Sverre E, et al. Preventable clinical and psychosocial factors predicted two out of three recurrent cardiovascular events in a coronary population. BMC Cardiovasc Disord. 2020;20:61. doi:10.1186/s12872-020-01368-6.

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr