Infarctus du myocarde

MINOCA et pont myocardique : quelle corrélation ?

Publié le 13/05/2022
L’infarctus du myocarde (IDM) à coronaire saine, bien connu sous l’acronyme MINOCA (Myocardial Infarction with Non-Obstructive Coronary Arteries), représente jusqu'à 15 % de la population des IDM (1). Mais la survenue d’un MINOCA serait-elle corrélée à la présence d’un pont myocardique ?
Une association négative significative entre pont myocardique et athérosclérose

Une association négative significative entre pont myocardique et athérosclérose
Crédit photo : phanie

Le MINOCA est diagnostiqué chez les patients présentant un IDM en l'absence de maladie coronarienne obstructive significative à la coronarographie. Il s’agit d’un groupe de maladies hétérogènes, avec des mécanismes physiopathologiques différents, nécessitant parfois lors du bilan diagnostique une analyse par imagerie multimodale : ventriculographie gauche, IRM cardiaque, imagerie intracoronaire (échographie ultrasonore intravasculaire [IVUS], tomographie de cohérence optique [OCT]). Il n'existe pas de lignes directrices précises pour la prise en charge des patients MINOCA et l'approche thérapeutique est personnalisée. Ainsi, la détection de l'étiologie sous-jacente est fondamentale pour débuter une thérapie ciblée précoce et appropriée. De nombreux diagnostics différentiels, pouvant mimer l’IDM et le MINOCA, avec des causes non ischémiques ou non coronariennes, doivent aussi être recherchés : myocardite, Takotsubo, cardiomyopathies…

Une entité clinique ancienne et débattue

Le pont musculaire ou myocardique (PM) a été décrit pour la première fois en 1737 par Reyman sur autopsie, et en 1960 par Postmann sur angiographie coronaire. Depuis fort longtemps, il est considéré comme une variante anatomique silencieuse, dont la valeur clinique et son implication dans différentes pathologies cardiaques restent floues. Les données de la littérature sur le rôle du PM dans la physiopathologie du développement de l’athérosclérose sont également conflictuelles.

Quelles relations avec l’athérosclérose ?

Dans un premier temps, nous avons étudié les relations entre le PM et le développement de l’athérosclérose. Dans une étude rétrospective observationnelle, menée sur 35 813 patients référés pour une coronarographie entre 2012 et 2020, nous avons détecté un PM sur l’artère coronaire interventriculaire antérieure (IVA) chez 510 d’entre eux, soit une prévalence de 1,42 % (2). L'âge moyen était de 66,5 ans. Le sexe masculin était plus fréquent : 70 % d’hommes contre 30 % de femmes. La prévalence de la maladie athéromateuse de l’IVA était deux fois plus élevée (écart significatif) dans le groupe sans PM qu'avec PM de l’IVA. L'analyse statistique a révélé une association négative significative entre PM de l’IVA et athérosclérose (p < 0,001). Un taux significativement plus élevé de cas de MINOCA a été observé chez les patients atteints d’un syndrome coronarien aigu dans le groupe PM de l’IVA.

Un facteur de risque

Dans un second temps, nous avons formulé l’hypothèse d’une corrélation entre la présence du PM et la survenue d’un MINOCA. Toujours pour la même population de départ, nous avons sélectionné 15 036 patients présentant un IDM (3). La population de patients étudiée a été divisée en fonction de la présence d’un IDM avec élévation du segment ST (STEMI) ou sans élévation du segment ST (NSTEMI). Nous avons ensuite défini deux groupes principaux : MINOCA et maladie coronarienne. La prévalence angiographique du PM était significativement plus élevée dans le groupe MINOCA (2,9 % contre 0,8 %). Les MINOCA représentaient 14,5 % des IDM spontanés, et la présentation clinique était plus fréquemment NSTEMI que STEMI (84,3 % contre 15,7 %). Les analyses multivariées après ajustement ont montré une association positive entre PM et MINOCA (OR = 3,28, IC 95 % [2,34 ; 4,61], p < 0,001). Les facteurs de risque cardiovasculaire étaient moins fréquents dans la population MINOCA, plus jeune et féminine. Ainsi, le PM est un facteur de risque pour la survenue d’un MINOCA. Il semble probable qu’il soit une cause potentielle de MINOCA. La recherche de PM dans les cas MINOCA, et surtout chez les patients NSTEMI, semble donc nécessaire.

Et chez les femmes ?

Un récent article (4) a évalué les causes et les mécanismes de l’IDM et des MINOCA chez les femmes. Les auteurs ont rapporté la détection de lésions coupables par OCT chez 46,2 % des patientes et d'anomalies par IRM chez 74,1 %. De plus, ils ont présenté les résultats combinés (OCT/IRM) en révélant une cause sous-jacente de MINOCA dans 84,5 % des cas. Cependant, ils n'ont pas rapporté la prévalence du PM parmi la population étudiée (5).

Le PM est donc probablement une cause de MINOCA. Nous pensons ainsi que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir les causes, les mécanismes et les algorithmes diagnostics chez les patients atteints de MINOCA. Mais une chose est sûre, dans les MINOCA, il faut vérifier la présence de pont myocardique !

CHU de Toulouse
(1) Matta A et al. Rev Cardiovasc Med. 2021 Sep 24;22(3):625-34 
(2) Matta A et al. Indian Heart J. 2021 Jul-Aug;73(4):429-33 
(3) Matta A et al. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care (in press) 
(4) Reynolds HR et al. Circulation. 2021 Feb 16;143(7):624-640 
(5) Matta A et al. Circulation. 2021 Sep 21;144(12):e204

Dr Anthony Matta et Pr Jérôme Roncalli

Source : lequotidiendumedecin.fr