Dr Jean-Pierre Binon

« Pour réduire les réhospitalisations liées à l’insuffisance cardiaque, il faut travailler ensemble »

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Publié le 13/02/2020

Face au fléau des réhospitalisations et des décès précoces dans l’insuffisance cardiaque, les pratiques doivent évoluer vers une approche plus coordonnée entre les différents intervenants. Les cardiologues ont aussi la responsabilité de leurs patients insuffisants cardiaques en dehors du cabinet.

Crédit photo : lecardiologue.com

Avec 1,5 million de sujets concernés en France, 165 000 hospitalisations et 70 000 décès annuels, l’insuffisance cardiaque est une maladie fréquente et grave, 3e cause de mortalité cardiovasculaire.

Ses modalités diagnostiques et thérapeutiques sont bien codifiées, mais on se heurte toujours à deux principaux écueils : un taux de décès de plus de 50 % entre 3 et 5 ans après l’apparition des premiers symptômes, même si on observe une tendance à la baisse depuis quelques années, et un taux élevé de réhospitalisations. Dans l'étude de population AuRA, menée dans la région Auvergne Rhône-Alpes, le taux de mortalité intra-hospitalière était de 8 % et il atteignait 22 % 6 mois après une première hospitalisation, voire 28 % en cas de comorbidités. Des chiffres proches du taux de 20 % de mortalité à 6 mois rapporté dans une autre étude menée cette fois en Ile-de-France.

Après la sortie de l’hôpital

Un patient sur 5 est réhospitalisé dans les 6 mois, dans la moitié des cas dans le premier mois qui suit la sortie de l’hôpital. « Un taux deux fois plus élevé qu’au Royaume-Uni et de 30 % plus important qu’en Suisse », indique le Dr Jean-Pierre Binon, président du Conseil national professionnel (CNP) de cardiologie, avant de souligner que des solutions doivent et peuvent être trouvées. « Si l’on s’attache aux traitements prescrits, des marges de progrès existent ». Dans l’étude de la région Ile-de-France, les taux de prescription de bêtabloquants et d’IEC/sartan étaient respectivement de 71 % et 68 % à 6 mois. À peine plus d’un patient sur deux recevait les deux types de traitement et le plus souvent à des posologies non optimales. En pratique, les patients sont peu suivis : dans l’étude AuRA, un sujet sur deux avait vu son généraliste dans les 14 jours après la sortie de l’hôpital, 38 % un cardiologue dans les deux mois. En Ile-de-France, à peine plus d’un quart des patients avaient été revus par leur généraliste dans les 14 jours et leur cardiologue dans les deux mois.

« Pourtant, les outils et les recommandations existent, mais ils ne sont pas appliqués sur le terrain, sans doute parce qu’individuellement, aucun intervenant n’a le temps de gérer le suivi des patients », constate le Dr Binon.

Mettre en place la coordination

Sollicité dans le cadre du chantier consacré à la pertinence et à la qualité des soins, le CNP a donc travaillé à la conception de structures de coordination, auxquelles pourraient être référés les patients en fonction de leur état et des moyens locaux pour réduire les réhospitalisations. « Il n’y a pas de solution unique, il faut tenir compte des particularités de chaque territoire, mais il faut dans tous les cas évoluer dans nos pratiques, se coordonner », poursuit le Dr Binon, qui estime que les cardiologues ont aussi la responsabilité de leurs patients en dehors du cabinet et doivent vérifier que leur prise en charge est bien organisée.

Grâce au budget récemment alloué par les autorités, le modèle de structure de coordination développé par le CNP va être testé avec les équipes de communauté professionnelles territoriales de santé (CPTS) en région Auvergne Rhône-Alpes, à Mauriac, dans la périphérie de Roanne et dans le Vercors. Cinq indicateurs seront utilisés pour apprécier la conformité de la prise en charge des patients aux recommandations de bonne pratique : nombre et délai d’hospitalisation ou de réhospitalisations non programmées sur 12 mois, délai entre la sortie de l’hôpital et le premier contact médical (généraliste ou cardiologue) ainsi que du contact médical avant réhospitalisation, taux de réadaptation cardiaque, mortalité globale intra et extrahospitalière, et enfin, nombre de consultations cardiologiques par an chez les patients stables (ceux n’ayant eu aucune hospitalisation sur l’année). « Les différents intervenants - généralistes, spécialistes, infirmiers,… - doivent travailler autrement, de façon coordonnée, pour réduire ce fléau des réhospitalisations des patients insuffisants cardiaques », conclut le Dr Jean Pierre Binon. 

D’après la communication du Dr Jean-Pierre Binon, Desertines, lors des JESFC.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr