Valvulopathies

Quelles évolutions dans le traitement des rétrécissements aortiques et des insuffisances mitrales ?

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Publié le 18/02/2021

Les Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC) ont été l'occasion d’évoquer deux actualités marquantes et controversées dans la prise en charge des valvulopathies : l'élargissement possible du remplacement valvulaire aortique percutané (TAVI) en cas de rétrécissements aortiques chez les sujets à bas risque chirurgical, et les résultats discordants obtenus avec le Mitraclip dans les insuffisances mitrales secondaires. Éclairage avec le Pr Christophe Tribouilloy (CHU d'Amiens).

Crédit photo : phanie

« Après plus de 10 ans de recherche à Rouen, le Pr Alain Cribier, père du concept du traitement percutané du rétrécissement aortique (RA), réalise avec son équipe en 2002 le premier TAVI chez l’homme. C’est une véritable révolution pour la cardiologie mondiale, rappelle le Pr Tribouilloy. D'abord réservée aux patients inopérables ou à très haut risque chirurgical, cette technique a par la suite fait progressivement ses preuves dans de grands essais cliniques chez les individus à risque intermédiaire. En 2018, sur les 20 000 patients traités par remplacement valvulaire pour RA en France, la moitié (soit 10 000 patients) a bénéficié du TAVI. Et les bons résultats obtenus dans le bas risque par voie fémorale en 2019 pourraient encore à l'avenir conduire à élargir les indications ». 

Le TAVI fait ses preuves dans le bas risque

En 2019, deux études publiées lors du congrès de l'American College of cardiology (ACC) sont venues documenter, chez les patients à bas risque symptomatiques de plus de 65 ans, l'efficacité et la sécurité du TAVI par voie fémorale. Les études PARTNER-3 et Evolut Low Risk montrent que le TAVI fait globalement jeu égal avec la chirurgie chez des sujets à bas risque, à un et deux ans de recul (1, 2). « Partants de ces résultats, les Américains, dans leurs nouvelles recommandations de 2020, laissent désormais la possibilité d'opter dans le bas risque pour le TAVI chez les plus de 65 ans, le choix du traitement se faisant lors d’une concertation en réunion médico-chirurgicale (Heart Team) [3]. En revanche, dans ces recommandations, il n’est pas indiqué chez les plus jeunes (avant 65 ans), chez lesquels la chirurgie reste le gold standard, explique le Pr Tribouilloy. En Europe, on reste plus prudent. Le TAVI est recommandé depuis 2017 par l’ESC dans le haut risque et dans le risque intermédiaire. La tendance en France est de privilégier le TAVI passé 75 ans quand les conditions anatomiques sont favorables. Nous sommes en attente cette année des prochaines recommandations de l’ESC. On a un excellent recul à 5 ans sur la durabilité du TAVI, qui demeure encore insuffisamment documentée au-delà de 5 ans. Il est donc encore trop tôt pour pouvoir affirmer qu'à 10 ans le TAVI fait jeu égal avec la chirurgie en termes de détérioration prothétique. En cas de dégénérescence du TAVI, le patient peut bénéficier d’une nouvelle procédure de TAVI valve-in-valve, ce qui rend raisonnable les indications chez les plus de 75 ans quelle que soit leur espérance de vie. Dans ce domaine, les données récentes de sureté et d’efficacité des registres de valve in valve après TAVI sont rassurantes. En fait, les résultats à long terme de la durabilité du TAVI et du TAVI valve-in-valve seront essentiels pour l’extension du TAVI aux patients ayant une longue espérance de vie ». 

Le Mitraclip toujours à la recherche du candidat idéal dans l’insuffisance mitrale

Pincer les deux feuillets d'une valve mitrale qui fuit est réalisable en chirurgie (via un point), mais aussi par pose d'un clip amené par voie percutanée. C'est la technique utilisée par le Mitraclip avec des résultats discutés dans l’insuffisance mitrale (IM) secondaire.

« Le premier Mitraclip a été posé dès 2003. Depuis, ce clip a fait ses preuves dans les IM primaires, où il est indiqué en cas d’anatomie favorable chez les patients symptomatiques inopérables ou à haut risque chirurgical. En revanche, malgré un développement bien mené, sa place est encore controversée dans les IM secondaires », résume le Pr Tribouilloy. Les deux études récentes menées versus traitement médical (COAPT Outre Atlantique et Mitra-FR en France) soulèvent de grandes discussions sur le type de patients pouvant bénéficier du Mitraclip (4,5). Ces essais ont en effet donné des résultats discordants. L’étude COAPT plaide pour un net bénéfice en termes de décès et hospitalisations pour insuffisance cardiaque à deux ans, non retrouvé dans Mitra-FR (6). Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces discordances, en particulier les différences de critères d’inclusion et l'optimisation plus ou moins poussée du traitement médical... Et le débat est loin d'être clos, comme en témoignent de très récents articles (7,8).

« Le Mitraclip est une bonne technique. Il est délicat à poser et nécessite une équipe expérimentée, mais expose à peu de risque per procédure car la voie fémorale veineuse n'est pas associée à un surrisque d'AVC et de complications artérielles, contrairement à la voie fémorale artérielle empruntée pour un TAVI, commente le Pr Tribouilloy. Il reste néanmoins, dans l’IM secondaire, à encore mieux définir quels sont les bons candidats au Mitraclip. Espérons que la troisième étude randomisée RESHAPE-HF, encore en cours, nous apportera des éléments de réponse supplémentaire ».

En France, le Mitraclip dans l’IM secondaire est actuellement remboursé pour les patients symptomatiques avec fraction d’éjection entre 20 et 50 %, surface d’orifice régurgitant > 30 mm² et volume télédiastolique ventriculaire gauche < 96 ml/m², ce qui correspond aux critères de COAPT.

D'après un entretien avec le Pr Christophe Tribouilloy (CHU d'Amiens-Picardie, Institut des maladies des valves cardiaques)  
(1) MJ Mack et al. Transcatheter Aortic-Valve Replacement with a Balloon-Expandable Valve in Low-Risk Patients. NEJM 2019; 380:1695-1705
(2) JJ Popma et al.Transcatheter Aortic-Valve Replacement with a Self-Expanding Valve in Low-Risk Patients. NEJM 2019; 380:1706-15
(3) CM Otto et al. 2020 ACC/AHA guideline for the management of patients with valvular heart disease: a report of the ACC/AHA Joint Committee on Clinical Practice Guidelines. Circulation. 2020;143:e35–e71.
(4) GW Stoneet al. Transcatheter mitral-valve repair in patients with heart failure. NEJM 2018; 379:2307-18
(5) JF Obadia et al. Percutaneous repair or medical treatment for secondary mitral regurgitation. NEJM 2018;379:2297-2306
(6) B Lung et al; MITRA-FR Investigators. Percutaneous repair or medical treatment for secondary mitral regurgitation: outcomes at 2 years. Eur J Heart Fail. 2019;21:1619-27
(7)JA Lindenfeld et al. Association of Effective Regurgitation Orifice Area to Left Ventricular End-Diastolic Volume Ratio With Transcatheter Mitral Valve Repair Outcomes: A Secondary Analysis of the COAPT Trial. JAMA Cardiol 2021. doi:10.1001/jamacardio.2020.7200
(8) LD Gillam. Reconciling COAPT and Mitra-FR Results Based on Mitral Regurgitation Severity and Left Ventricular SizeIt’s Not So Simple. JAMA Cardiol 2021. doi:10.1001/jamacardio.2020.7214

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr