Insuffisance cardiaque

Quelles indications pour l’ablation par cathéter ?

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Publié le 16/06/2020

L’étude CASTLE AF a confirmé les bénéfices de l’ablation par cathéter chez les patients présentant une insuffisance cardiaque et une fibrillation atriale sur la mortalité et la fonction ventriculaire gauche. Il semble également intéressant de proposer une ablation en cas de cardiopathie potentiellement induite par des extrasystoles ventriculaires.

Une ablation peut être proposée chez certains sujets en post-infarctus ayant souvent des ESV.

Une ablation peut être proposée chez certains sujets en post-infarctus ayant souvent des ESV.
Crédit photo : Phanie

Fibrillation atriale (FA) et insuffisance cardiaque (IC) sont fréquemment associées, l’une induisant et entretenant l’autre. On savait depuis longtemps que le maintien du rythme sinusal chez l’insuffisant cardiaque s’accompagne d’une amélioration des symptômes et du pronostic. De nombreuses études, menées au début des années 2000 avaient ainsi souligné les bénéfices de l’ablation de la FA par cathéter, avec un gain de d’environ 15 % de fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG). 

50 % de décès en moins à 5 ans 

C’est l’étude CASTLE AF, publiée en 2018, qui a démonstré l’intérêt de cette technique sur la mortalité, avec une réduction d’environ 50 % des décès à 5 ans. L’étude avait inclus 363 patients avec une FEVG ≤ 35 %, une IC de classe II de la NYHA, une FA persistante et porteurs d’un défibrillateur seul ou avec stimulation. Le bénéfice de l’ablation avait été observé dans tous les sous-groupes de patients, exception faite de ceux ayant une FEVG très basse.

« Cette réduction de la mortalité peut paraître importante, mais l’étude démontre bien que si l’on maintient le patient en rythme sinusal, le pronostic est amélioré , rapporte le Pr Philippe Maury. Des travaux en cours semblent aussi montrer que même chez des patients en choc cardiogénique, avec parfois un tableau hémodynamique pouvant justifier d’un bilan pré-greffe et une FA ou un flutter récent, la réalisation d’une ablation en urgence peut permettre de retrouver un rythme sinusal et de transformer le pronostic grâce à une amélioration très marquée de la FEVG. L’ablation a donc de nombreuses indications chez les patients IC avec FA ou flutter, exception faite de ceux dont le trouble du rythme est très ancien, l’oreillette gauche ectasique ou le rythme ventriculaire bien ralenti ».

Aujourd’hui, une part significative des ablations sont faites chez des patients en IC, mais bien davantage pourraient probablement en bénéficier. Le risque de la procédure semble similaire à celui rapporté chez les patients sans IC (jusqu'à 5 % de complications dans les registres anciens, probablement moins actuellement). Les taux de maintien à terme en rythme sinusal sont entre 50 et 70 % avec ou sans anti-arythmiques, probablement plus actuellement si on multiplie les procédures. Cependant, cette ablation est plus compliquée que sur cœur sain et doit être pratiquée dans des centres experts.

En cas d'ESV fréquentes 

Plus récemment, la place de l’ablation a été évaluée chez des sujets ayant une IC et des extrasystoles ventriculaires (ESV). Lorsqu’elles sont monomorphes et fréquentes, ces ESV semblent à l’origine d’une proportion non négligeable d’IC inexpliquées. Cette évolution vers une cardiopathie se rencontre en particulier en cas d’ESV anciennes et asymptomatiques. « Les ESV sont un phénomène banal, mais 20 % des patients asymptomatiques sont à risque de développer une cardiomyopathie secondaire à ces ESV fréquentes. Ceci souligne la nécessité d’une surveillance échographique afin de pouvoir proposer si besoin une ablation », rappelle le Pr Maury.

Cette dernière peut notamment être envisagée en cas d’échec des bêta-bloquants chez les patients dont la cardiopathie semble induite par le trouble du rythme. Le nombre d’ESV quotidiennes pouvant témoigner d’une cardiomyopathie post-ESV est débattu, jugé entre 15 et 25 % du nombre de QRS quotidiens. « Mais il faut être assez souple dans les indications, car la grande variabilité des Holters d’un jour à l’autre rend difficile la définition d’un chiffre seuil d’ESV quotidiennes », indique le Pr Philippe Maury. Le risque procédural est comparable à celui de la FA, mais celui d’échec de la procédure est nettement plus élevé (de l’ordre de 15 à 20%) du fait de la difficulté d’accès à certains foyers. Le patient doit en être averti.  Une ablation peut aussi être proposée chez certains sujets en post-infarctus ayant souvent des ESV, avec un gain potentiel de 10 à 15 % de FEVG, ou encore en cas de non réponse à la resynchronisation du fait d’ESV fréquentes.

D’après un entretien avec le Pr Philippe Maury, CHU de Toulouse

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr