Du dépistage à la médecine prédictive

Score calcique et coroscanner : que retenir en pratique ?

Publié le 13/05/2022
Plus de 1000 publications référencées ont été consacrées au score calcique et au scanner coronaire au cours des 12 derniers mois : c’est dire que le sujet intéresse, voire passionne la communauté médicale… En pratique, quels sont les informations utiles à connaître ?
Analyse de la graisse épicardique péricoronaire

Analyse de la graisse épicardique péricoronaire
Crédit photo : DR

Le score calcique a pour lui sa très grande simplicité de mise en œuvre : absence de voie veineuse, pas d’injection de produit de contraste. Il s’agit fondamentalement d’un examen de dépistage qui s’adresse aux sujets asymptomatiques. Le score reflète l’étendue des lésions athéromateuses coronaires, sa valeur prédictive est supérieure à celle des facteurs de risque traditionnels.

Une forte valeur prédictive

Les données récentes montrent que le nombre de vaisseaux atteints, ainsi que le caractère proximal des sténoses, renforcent la valeur prédictive du score.

Un score calcique à zéro indique un risque d’accident voisin de 1/1 000 par an. Chez un sujet asymptomatique, ce résultat permet de se dispenser de toute autre exploration, et peut même faire surseoir à un traitement par statines (son bénéfice n’étant démontré qu’à partir d’un score à 100).

Une série de travaux récents souligne l’intérêt du score calcique chez les sujets de moins de 50 ans, puisque dans cette catégorie d’âge, près d’un tiers d’entre eux a un score non nul. Chez un sujet jeune, il semble d’ailleurs qu’un même score positif soit associé à un risque plus élevé que chez une personne plus âgée. À l’autre extrémité du spectre, le score calcique conserve une très forte valeur prédictive chez les plus de 80 ans, une population en constante progression, pour laquelle on tend à être de plus en plus « interventionniste ».

Le score calcique est aussi un prédicteur du risque de cancer, notamment des tumeurs coliques et bronchopulmonaires, celles-ci ayant les mêmes facteurs de risque que l’athérome coronaire. Cette observation encourage à un dépistage oncologique adapté chez les sujets ayant un score calcique élevé.

Quant au score calcique de l’aorte thoracique, il suscite un intérêt croissant, dans la mesure où il renforce la valeur prédictive du score calcique coronaire. De plus, il s’avère être un prédicteur du risque d’accident vasculaire cérébral, notamment chez la femme.

Surveiller la progression

Quelle est la progression normale du score calcique ? Un traitement par statines tend à faire discrètement monter le score, dû à un effet de « cicatrisation » des plaques non calcifiées. Concrètement, une progression supérieure à 10 % par an est jugée excessive.

Dans tous les cas, un score calcique supérieur à 300 constitue une bonne indication à la réalisation d’un test d’ischémie (scintigraphie myocardique, échographie ou IRM de stress).

Et chez les patients symptomatiques ?

La situation change si le sujet est symptomatique : le scanner fait désormais partie des examens que l’on peut proposer en première intention, surtout si la « prévalence » de maladie coronaire est basse (patient jeune, précordialgies atypiques, peu de facteurs de risque).

En pratique, trois situations peuvent se présenter : un scanner normal ou quasi normal permet de mettre un terme aux explorations. À l’inverse, la mise en évidence de sténoses supérieures à 70 %, chez un sujet symptomatique, conduira facilement à la coronarographie. La situation est plus délicate lorsque le résultat n’est pas tranché, notamment en présence de calcifications nombreuses, ou d’images avec artéfacts. Dans ce cas, le recours à un test d’ischémie reste la solution la plus pertinente.

En effet, en dehors de l’insuffisance coronaire aiguë, le stenting n’a pas clairement fait la démonstration de sa supériorité par rapport à un traitement médical bien conduit, malgré plus de 20 ans de recul. Dans les faits, la revascularisation ne conduit à une amélioration du pronostic que chez les sujets ayant plus de 10 % de myocarde ischémique, ou une Fractionnal Flow Reserve (FFR) inférieure à 0,80. La FFR est mesurée en cours de coronarographie, en étudiant les variations du gradient de pression de part et d’autre de la sténose, au repos et en situation hyperhémique. Depuis quelques années, grâce au machine learning et à l’intelligence artificielle, il est possible d’obtenir une estimation non-invasive de la FFR en analysant les images de scanner (FFR-CT), mais cette technologie n’est pas disponible actuellement en France. Dans le même ordre d’idée, le scanner devrait bientôt permettre d’évaluer la perfusion myocardique.

Analyser la graisse épicardique et le volume de l’athérome

Un autre progrès attendu réside dans l’analyse de la graisse épicardique située au contact des artères coronaires. Ce tissus endocrine réalise en effet de véritables échanges bidirectionnels avec la paroi artérielle coronaire, reflétant ainsi par exemple l’état inflammatoire d’une plaque athéromateuse à risque.

L’évolution la plus importante, attendue des prochains développements du scanner, réside dans la possibilité de quantifier le volume de l’athérome coronaire total, incluant les lésions calcifiées, fibreuses et lipidiques. Les travaux les plus récents montrent en effet que la charge athéromateuse totale est le meilleur prédicteur du risque d’accident, devant le score calcique, et devant la présence de sténoses significatives. Chiffrer la charge athéromateuse totale permet une analyse plus fine du risque individuel, et ouvre la voie à une véritable personnalisation de la prise en charge des facteurs de risque. Il est possible de chiffrer l’effet, sur les composants de la plaque athéromateuse coronaire, de différentes activités sportives, des régimes alimentaires, ou des traitements pharmacologiques. Or, cet impact n’est pas nécessairement identique d’un sujet à l’autre…


Spécialiste en cardiologie, radiologie et médecine nucléaire, qui exerce à l'hôpital américain Paris
(1) Obisesan OH et al. Thoracic Aortic Calcium for the Prediction of Stroke Mortality (from the Coronary Artery Calcium Consortium), Am J Cardiol 2021 Jun 1;148:16-21.
(2) Foult JM et al. The Quantification of Total Coronary Atheroma Burden - A Major Step Forward, Heart International 2020;14(2):73–5
(3) Budoff MJ et al. Effect of icosapent ethyl on progression of coronary atherosclerosis in patients with elevated triglycerides on statin therapy: final results of the EVAPORATE trial, Eur Heart J. 2020 Oct 21;41(40):3925-32.

Dr Jean-Marc Foult

Source : lequotidiendumedecin.fr