Publiée en décembre 2021, une étude de pharmacovigilance a utilisé les notifications spontanées enregistrées dansVigiBase, la base de données de pharmacovigilance de l’OMS pour recenser les cas de myocardites et de péricardites après vaccination anti-Covid à ARNm (1). « Ce type de complications post-vaccinales n’est pas spécifique aux vaccins anti-Covid, rappelle le Dr Laurent Chouchana (centre régional de pharmacovigilance de l’hôpital Cochin). On peut en observer après d’autres vaccins, contre la variole ou la grippe par exemple ».
Une nette prédominance chez les hommes jeunes
Différents mécanismes physiopathologiques ont été évoqués. Ces atteintes cardiaques pourraient être liées à une réaction immunitaire plus intense, mettant probablement en jeu l’immunité cellulaire avec les cellules CD4+ Th17+. Leur survenue chez des patients plus jeunes, et plus souvent après la deuxième dose, est en faveur de cette hypothèse. La stimulation de l'auto-immunité par l’ARNm serait une autre possibilité. Par contre, une action directe du vaccin via la liaison de la protéine spike sur les récepteurs ACE semble pouvoir être écartée, puisque même dans les infections par Covid on ne retrouve pas le virus au niveau myocardique.
Sur les 2 277 cas de réactions cardiaques inflammatoires observés (55 % de myocardites et 37 % de péricardites), on constate que les hommes sont bien plus souvent concernés que les femmes (1 555 cas, soit 68 %) et essentiellement les plus jeunes (âge médian 33 ans). La tranche d’âge la plus souvent touchée est celle des 18-29 ans (31 % des cas). Concernant les myocardites, un taux plus élevé est rapporté chez les adolescents, les 18-29 ans et les hommes. Quant au risque de péricardite, il est 3,7 fois plus important chez les hommes que chez les femmes. Contrairement à la myocardite, on ne relève pas d’effet âge chez les femmes, qui peuvent être atteintes quel que soit leur âge malgré un plus faible risque.
La raison de la prédominance masculine dans ces réactions inflammatoires cardiaques n’est pas réellement connue.
Un pronostic relativement bon
Ces réactions surviennent plus souvent après la deuxième dose. Elles apparaissent assez précocement, dans les 14 premiers jours, avec un délai médian de trois jours pour les myocardites et de huit jours pour les péricardites. « La survenue d’une myocardite ou d’une péricardite, deux à trois mois après la vaccination, n’est probablement pas en lien avec le vaccin », souligne le Dr Laurent Chouchana. La majorité de ces atteintes cardiaques ont, au moins à court terme, un bon pronostic. Si 82 % des myocardites et 56 % des péricardites rapportées ont nécessité une hospitalisation, seulement 22 % et 21 % respectivement pouvaient mettre en danger le pronostic vital. Seuls 22 décès ont été rapportés dans cette base, toujours chez les plus de 50 ans.
Par ailleurs, une étude américaine a montré que, chez les moins de 21 ans, les myocardites requièrent le passage en réanimation pour 8 % des patients. Un traitement vasoactif était nécessaire dans 1,4 % des cas seulement. Aucune assistance respiratoire extracorporelle n’a été utilisée. Il n’y a eu aucun décès et la durée d’hospitalisation était de deux jours (2).
Plus de risques en cas d’infection SARS-CoV-2
Ces réactions cardiaques inflammatoires ne remettent pas en jeu le rapport bénéfice-risque positif de cette vaccination, même si le risque est augmenté chez les hommes et les moins de 30 ans. Ceci a amené l’ANSM à ne plus recommander le vaccin Moderna chez les moins de 30 ans. Des travaux ont d’ailleurs mis en balance le risque de myocardite après infection et après vaccination par ARNm. Selon une étude israélienne, le risque de myocardite dû à la vaccination est cinq à dix fois inférieur à celui lié à l’infection par SARS-CoV-2 (3). Une très récente étude souligne que le risque de myocardite est pour un million de vaccinés de 1 avec le vaccin Pfizer, de 6 avec le Moderna, tandis qu’il est de 40 chez les personnes infectées par le virus (4).
La survenue d’une myocardite ou d’une péricardite post-vaccinale contre-indique temporairement une autre dose, qui ne peut éventuellement intervenir que lorsque la phase active est résolue et après un avis multidisciplinaire.
(1) Chouchana Laurent, Blet Alice et al. Features of inflammatory heart reactions following mRNA COVID-19 vaccination at a global level Clinical Pharmacology and Therapeutics, doi : https://doi.org/10.1002/cpt.2499
(2) Dongngan T. Truong et al. Clinically Suspected Myocarditis Temporally Related to COVID-19 Vaccination in Adolescents and Young Adults : Suspected Myocarditis After COVID-19, https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.121.056583Circulation. 2022;145:345–56
(3) Barda et al. Safety of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine in a Nationwide Setting. N. Engl. J. Med. 385:1078–90
(4) Patone Martina et al. Risks of myocarditis, pericarditis, and cardiac arrhythmias associated with COVID-19 vaccination or SARS-CoV-2 infection. Nat Med (2021). https://doi.org/10.1038/s41591-021-01630-0
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?