Préservation de la fertilité féminine

Des naissances après cryoconservation ovarienne et autogreffe

Publié le 26/05/2010
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PAR LE Dr BLANDINE COURBIÈRE*

LA FOLLICULOGENÈSE est un processus débutant pendant la vie fœtale pour atteindre une réserve maximale de 7 000 000 cellules germinales vers le 5-6 e mois de grossesse. Il existe un stock déterminé et définitif de cellules germinales chez la femme. Par des phénomènes d’atrésie et d’apoptose, il ne reste environ que 400 000 follicules primordiaux au début de la puberté, constitués d’ovocytes bloqué au premier stade de la méiose. Ainsi, toute atteinte de cette réserve folliculaire peut être à l’origine d’une insuffisance ovarienne précoce : une perte de 90 % des follicules de réserve à l’âge de 14 ans provoquerait une insuffisance ovarienne précoce à l’âge de 27 ans.

Les agents antimitotiques tels que la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent être à l’origine d’une toxicité gonadique importante. Par exemple, les agents alkylants comme le cyclophosphamide détruisent de façon dose-dépendante les follicules primordiaux tout en provoquant un arrêt de la croissance folliculaire. Ainsi, une reprise des cycles menstruels après traitement gonadotoxique n’est pas synonyme du respect de l’intégrité de la réserve folliculaire ovarienne. L’« âge biologique » des ovaires après chimiothérapie gonadotoxique aurait environ dix ans de plus que leur âge chronologique.

Pas de moyens de prévention.

Certains auteurs ont soulevé l’hypothèse du rôle bénéfique des agonistes de la LH-RH pour « mettre les ovaires au repos » et tenter de diminuer la perte folliculaire entraînée par les agents de chimiothérapie. L’une des deux principales hypothèses avancées est que les ovaires des enfants semblent moins sensibles que les ovaires d’adultes. Cette différence est en fait due à la différence de richesse des ovaires en follicules de réserve. Selon la seconde hypothèse, les follicules en croissance sont plus sensibles aux agents de chimiothérapie que les follicules primordiaux plus petits. Les agonistes de la LH-RH, en inhibant le recrutement folliculaire, diminueraient ainsi la destruction des follicules en croissance. Cependant, l’action pharmacologique des agonistes de la LH-RH pour protéger la destruction de la réserve ovarienne folliculaire semble illogique. En effet, la croissance basale des follicules au cours de la première phase de folliculogenèse est indépendante des gonadotrophines hypophysaires. Il n’existe pas de récepteurs à la FSH ni à la LH sur les follicules primordiaux. Or, les agents de chimiothérapie comme les alkylants ont une toxicité directe sur les follicules primordiaux. Ainsi, aucune étude randomisée n’est actuellement disponible pour valider la prescription d’agonistes de la LH-RH avant administration d’une chimiothérapie, et il n’existe pas d’indication à en administrer en dehors de protocoles de recherche.

Préservation de la fertilité féminine

La réalisation d’une fécondation in vitro en urgence pour congélation d’embryon n’est possible que si la patiente est en couple avec un projet parental, si sa pathologie autorise un délai pour débuter le traitement – le temps de stimuler les ovaires, et si il n’y a pas de contre-indication à une hyperœstrogénie (ex : cancer du sein). Les techniques actuellement disponibles de congélation ovocytaire ne permettent pas de proposer cette technique en routine et passent aussi par le biais d’une stimulation ovarienne.

Une technique largement réalisée.

La cryoconservation de tissu ovarien est une stratégie de préservation de la fertilité féminine maintenant largement réalisée dans le monde et en France. Cette technique permet la congélation d’un contingent important de follicules primordiaux présents dans le cortex ovarien. Le prélèvement d’ovaire est possible à tout âge, même chez les jeunes filles prépubères, par cœlioscopie. Les indications de cryoconservation ovarienne communément admises sont les pathologies pour lesquelles le traitement sera à l’origine d’une stérilité définitive, tels que les chimiothérapies à base d’alkylants. Le principe de cette technique est de pouvoir proposer une autogreffe de cortex ovarien en cas de rémission et d’absence de contre-indication oncologique ou médicale à une grossesse. En effet, un follicule primordial contenant un ovocyte immature bloqué en première méiose ne peut devenir un follicule mature contenant un ovocyte fécondable qu’après d’importants phénomènes de maturation nucléaire et cytoplasmique.

Onze naissances dans le monde.

Malgré des travaux prometteurs chez la souris, la folliculogenèse in vitro, qui permettrait d’éviter une greffe, n’en est encore qu’au stade de la recherche fondamentale. La greffe de tissu ovarien est le plus souvent réalisée en orthotopique, c’est-à-dire au niveau du site de prélèvement, et permet une folliculogenèse « in vivo ». La première naissance, en 2004, a été rapportée par l’équipe belge du Pr Jacques Donnez après autogreffe de tissu ovarien chez une patiente aux antécédents d’allogreffe de moelle pour maladie de Hodgkin. Depuis, onze naissances ont été publiées dans le monde. En France, les deux premières ont été rapportées au derier congrès de l’European Society of Human Reproduction and Embryology 2009 par le Dr Pascal Piver du CHU de Limoges, suite à des autogreffes réalisées à Besançon avec l’équipe du Pr Christophe Roux et à Limoges.

Ainsi, ces avancées dans le domaine de la préservation de la fertilité féminine doivent être prises en compte par les médecins prenant en charge des patientes devant subir un traitement gonadotoxique, comme c’est le cas en cancérologie, hématologie ou médecine interne, avec la mise en place de collaborations avec les médecins de la reproduction.

*Service de gynécologie-obstétrique, centre de procréation médicalement assistée, hôpital de la Conception, Marseille.

Le Quotidien du Mdecin

Source : Bilan spécialistes