Entorse du genou

Faut-il opérer une rupture du ligament croisé ?

Par
Publié le 29/03/2021

Si la rééducation reste le traitement de référence en cas de rupture du ligament croisé antérieur (LCA) du genou, la reconstruction précoce est une alternative tentante. Quelle option thérapeutique privilégier ? L’étude COMPARE, récemment publiée, évalue les deux stratégies…

Crédit photo : Phanie

La rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est une lésion fréquente lors d’une entorse grave du genou au cours d’un traumatisme souvent sportif. Le risque essentiel pour le rhumatologue est l’évolution vers une gonarthrose du fait d’une instabilité : ce risque d’arthrose est multiplié par 10. Vu l’incidence de ces lésions, plus de 50 cas sur 100 000 sujets chaque année, leur retentissement social et économique n’est pas négligeable. Le traitement de référence est la rééducation mais la tentation d’une réparation chirurgicale reste importante. Plusieurs études non randomisées ont suggéré que les résultats cliniques de la reconstruction précoce du LCA par rapport à la rééducation seule sont similaires mais les preuves issues des essais contrôlés randomisés font défaut.

Un essai néerlandais sur plus de 160 patients

Un ensemble de six équipes de chirurgiens orthopédistes néerlandais (Rotterdam, La Haye, Tilburg, Delft, Nieuwegein, Dordrecht) a réalisé un essai contrôlé randomisé publié dans le British Medical Journal (1). L’étude COMPARE (Conservative versus Operative Methods for Patients with ACL Rupture Evaluation) était un essai multicentrique ouvert, contrôlé randomisé en deux groupes parallèles. L’objectif était d’évaluer l’efficacité de deux stratégies de traitement pour la rupture aiguë du LCA : reconstruction chirurgicale précoce versus rééducation et reconstruction différée facultative. Ainsi, 167 patients de 18 à 65 ans ont été recrutés (31,3 ans d’âge moyen, 60 % d’hommes) et 163 ont terminé l’essai. Le critère principal de jugement était la perception des symptômes, de la fonction du genou et de la capacité à participer à des activités sportives, mesurée par le score IKDC (International Knee Documentation Committee) durant 24 mois. Par ailleurs, étaient aussi étudiés la douleur, les activités sportives, la satisfaction du patient et le score KOOS (Knee Injury and Osteoarthritis Outcome). Ce dernier évalue les conséquences à moyen et long terme de la lésion du genou, ainsi que celles de la gonarthrose.

Des résultats contrastés

Les courbes du score IKDC, des deux groupes, indiquent un avantage précoce, à trois mois, pour la rééducation et reconstruction optionnelle différée, puis elles se croisent vers six mois. Elles mettent ensuite en évidence un meilleur score dans le groupe de reconstruction précoce du LCA, de façon significative, mais dont la pertinence clinique est discutable (84,7 contre 79,4). De plus, on observe que 50 % des patients n’ont pas été opérés au cours du suivi dans le groupe de rééducation et de reconstruction optionnelle différée du LCA.

Par ailleurs, les patients du groupe de reconstruction précoce atteignaient un meilleur score d’activités sportives (échelle sport du score KOOS) et de qualité de vie, après un recul de deux ans. Pour les autres sous-échelles, le score KOOS n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes. Le score de Lysholm (créé pour le suivi des ligamentoplasties du LCA) était significativement meilleur après 6, 9, 12 et 24 mois de suivi dans le groupe reconstruction précoce. Enfin, aucune différence significative n’était rapportée entre les groupes concernant la sévérité de la douleur (repos et activités).

Pour ou contre ?

Le verre est donc à moitié plein ou à moitié vide… selon la perspective considérée ! Les données statistiques semblent en faveur de la reconstruction précoce d’après les scores obtenus quant à la qualité de vie et la reprise d’activités sportives évaluées par le patient lui-même. Les partisans d’une intervention précoce ne manqueront pas de souligner que la moitié des patients ont choisi de se faire opérer dans un second temps, alors que les tenants de l’attitude conservatrice initiale remarqueront que 50 % des patients n’ont pas été opérés en fin de compte… ! Quant aux rhumatologues, ils regretteront l’absence d’évaluation plus fine d’une éventuelle différence de l’évolution arthrosique. En effet, le score KOOS donne une indication, mais qui ne semble pas décisive dans cet essai. Une évaluation radiographique ou IRM de la chondropathie aurait été un « plus » appréciable !

Hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Reijman M et al. Early surgical reconstruction versus rehabilitation with elective delayed reconstruction for patients with anterior cruciate ligament rupture: COMPARE randomised controlled trial. BMJ 2021;372:n375

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr