Chirurgie non cardiaque

Les points forts des recommandations françaises

Publié le 19/05/2011
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LES RECOMMANDATIONS de la SFAR et de la SFC (1) sont originales pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elles résultent d’une étroite collaboration entre cardiologues et anesthésistes et de deux années de dialogue entre la SFC et la SFAR et traduisent la réalité du terrain. Par ailleurs, elles abordent classiquement le bilan préopératoire, ce que font également les recommandations américaines et européennes, mais aussi, et c’est ce qui en fait l’originalité, la surveillance périopératoire.

Les recommandations relatives au bilan préopératoire se matérialisent par un algorithme simple, fondé sur une approche par étapes successives destinées à reconnaître les patients les plus à risque de complication cardiaque. La stratégie alors recommandée a pour objectif de les faire bénéficier d’une stratégie préventive s’appuyant sur une surveillance renforcée et des mesures thérapeutiques, voire un avis de contre-indication à la chirurgie.

La surveillance périopératoire, quant à elle, propose une conduite à tenir en cas d’incident coronaire comme une élévation des troponines ou une modification électrocardiographique.

Une démarche par étapes.

Après avoir évalué le degré d’urgence de la chirurgie envisagée, le bilan préopératoire doit dépister en premier lieu un coronarien qui doit être considéré comme « évolutif », donc à risque élevé. Il s’agit essentiellement des patients ayant une maladie coronaire évolutive, une valvulopathie sévère ou un trouble du rythme. Dans ces cas, la chirurgie doit être repoussée après prise en charge diagnostique et thérapeutique adaptée.

Le risque lié à la chirurgie doit être évalué à son tour. Le score de Lee est actuellement considéré comme le meilleur facteur pronostique indépendant de morbidité et de mortalité à long terme après une chirurgie à risque majeur (2, 3).

L’étude POISE a montré que la mise en œuvre sans discernement d’un traitement par bêtabloquant à haute dose en période périopératoire comporte plus de risques que de bénéfices (4). Néanmoins, le maintien du bêtabloquant chez les patients déjà sous un tel traitement n’a pas été remis en cause par ce travail. Il en va de même de sa mise en œuvre en périopératoire chez les sujets à risque, à condition d’employer une posologie progressive et adaptée.

Concernant les statines, leur administration avant une intervention chirurgicale est associée à une réduction du risque d’infarctus myocardique postopératoire (5). Les recommandations préconisent donc leur emploi avant une chirurgie vasculaire. Si ce traitement par statine est prescrit de façon chronique, il doit être poursuivi dans la période périopératoire et administré le soir précédant l’intervention et repris le soir de l’intervention.

Une prise en charge codifiée.

Tous les coronariens stables peuvent être opérés après une consultation, un ECG et une optimisation préalable du traitement médical. Toutefois, chez les coronariens à faible aptitude physique et à score de Lee élevé (› 2) candidats à une chirurgie à risque intermédiaire ou élevé, outre l’optimisation du traitement médical, il est recommandé de rechercher et de quantifier l’ischémie myocardique et de discuter l’opportunité d’une revascularisation prophylactique s’il y a une ischémie étendue : les tests fonctionnels ont une place limitée. En effet, la place de la revascularisation myocardique prophylactique est devenue exceptionnelle depuis la publication des études CARP (6) et DECREASE–V (7). Toute décision de coronarographie chez un patient programmé pour une chirurgie non cardiaque doit ainsi être « le fruit d’une décision collégiale dont l’argumentation sera tracée dans le dossier ».

Pour la prédiction du risque de complications ischémiques myocardiques périopératoires, il n’est pas recommandé de réaliser un ECG d’effort, en particulier si celui-ci risque d’être sous-maximal. Les tests d’ischémie recommandés sont la scintigraphie myocardique de perfusion ou l’échographie de stress.

L’importance de la surveillance multidisciplinaire per- et postopératoire, enfin, a été matérialisée par la recommandation de pratiquer de manière répétée dans les 48 premières heures postopératoires, chez le patient coronarien ou à risque de maladie coronaire et opéré d’une intervention de chirurgie non cardiaque à risque intermédiaire ou élevé, un ECG, un dosage de la troponine Ic et du taux d’hémoglobine.

D’après un entretien avec le Pr Jacques Machecourt (clinique cardiologique, CHU de Grenoble).

(1) Société Française de Cardiologie. Recommandations formalisées d’experts 2010 : prise en charge du coronarien qui doit être opéré en chirurgie non cardiaque [en ligne, document disponible sur les sites de la SFC www.cardio-sfc.org, rubrique « Recommandations », sous-rubrique « Recommandations mixtes et avis d’experts ». Société Française d’Anesthésie et de Réanimation, www.sfar.org, rubrique « Référentiels », sous-rubrique « Conférences d’experts/RFE » ).

(2) Boersma E, et coll. Perioperative cardiovascular mortality in noncardiac surgery: validation of the Lee cardiac risk index. Am J Med 2005;118(10):1134-41.

(3) Nesi F, et coll. Preoperative risk stratification in patients undergoing elective infrarenal aortic aneurysm surgery: evaluation of five risk scoring methods. Eur J Vasc Endovasc Surg 2004;28(1):52-8.

(4) Poise study group. Effects of extended-release metoprolol succinate in patients undergoing non-cardiac surgery (POISE trial): a randomised controlled trial. Lancet 2008;371:1839-47.

(5) Winchester DE, et coll. Evidence of pre-procedural statin therapy a meta-analysis of randomized trials. J Am Coll Cardiol 2010;56(14):1099-109.

(6) McFalls EO, et coll. Coronary-artery revascularization before elective major vascular surgery. New Engl J Med 2004;351(27):2795-804.

(7) Poldermans D, et coll. A clinical randomized trial to evaluate the safety of a noninvasive approach in high-risk patients undergoing major vascular surgery: the DECREASE-V Pilot Study. J Am Coll Cardiol 2007;49(17):1763-9.

Dr GÉRARD BOZET

Source : Bilan spécialistes