Néphrectomie par voie vaginale à Lyon

Un bien curieux abord... de prime abord

Publié le 21/09/2010
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Crédit photo : DR

« CELA faisait un an que nous attendions la candidate idéale, raconte au « Quotidien » le Pr Philippe Paparel, chirurgien urologue au CHU de Lyon. Un an qu’avec mon confrère gynécologue, le Pr François Golfier, nous allions nous préparer à Barcelone, auprès de la seule équipe en Europe à réaliser l’ablation du rein par voie vaginale. Finalement, nous nous sommes lancés dans cette aventure technique, non pas pour la patiente idéale, qui n’est jamais venue, mais pour une patiente à risque très élevé de complications. Nous n’avions plus le choix, la voie vaginale était la meilleure des solutions dans son cas. La couche graisseuse rendait l’épaisseur de la paroi abdominale vraiment trop importante pour la cicatrisation» Pour cette première française, les chirurgiens ont ainsi opéré une patiente ayant une obésité morbide (117 kg pour 1m60), hypertendue et diabétique. « Alors que le rein à enlever était détruit par des infections chroniques et qu’elle avait déjà présenté par le passé une importante surinfection de césarienne pendant plus de trois mois, nous redoutions particulièrement les surinfections de cicatrice par la cœlioscopie standard. » Et l’évolution leur a donné raison. « Tout s’est très bien passé. Debout dans les couloirs à J2 postopératoire et avec une EVA entre 0 et 1, la patiente est rentrée à domicile à J3. »

Indolore et sans cicatrice

Si impressionnante soit-elle, l’intervention ne présenterait pas de difficultés techniques inhabituelles. « En fait, il faut un gynécologue et un urologue dans la même salle d’opération, explique le Pr Paparel. C’est l’association de deux gestes réalisés quotidiennement par les chirurgiens spécialistes : la néphrectomie par cœlioscopie pour l’urologue et l’ablation d’un organe par le vagin, pour le gynécologue.Ce n’est donc pas ce qu’on peut qualifierde " prouesse " chirurgicale, la technique est aisément reproductible. » Le premier temps de l’intervention est identique à celui de la cœlioscopie. Le chirurgien effectue quatre incisions sur le flanc : deux de 5 mm, une de 10 mm et une autre de 12 mm. Juste de quoi introduire caméra et instruments de dissection pour libérer le rein. « Tandis qu’au cours d’une cœlioscopie standard, le rein détaché est extrait en fin d’intervention en agrandissant une ouverture cutanée, il l’est ici par voie vaginale. Le gynécologue fait une incision sur le fond du vagin au niveau du cul-de-sac de Douglas, juste derrière le col de l’utérus, afin d’introduire dans l’abdomen une sorte d’épuisette. Ce sac d’extraction une fois placé sous contrôle cœlioscopique dans la région périrénale est déployé et le rein malade y est récupéré. Il ne reste plus au gynécologue qu’à fermer le sac et à le tirer vers lui ». La durée d’intervention est comparable à la cœlioscopie classique, qui nécessite 2 heures. « Nous avons mis ici 3 heures 30, mais la dissection était particulièrement difficile en raison des multiples brides et de l’accolement des tissus ».

Un tabou à dépasser.

Juste quatre petites incisions cutanées. « La plus grande incision abdominale mesure au maximum 12 mm. Rien à voir avec les 6 cm minimum pour la cœlioscopie standard. Quant à la cicatrice vaginale, elle est non seulement invisible mais indolore. Les gynécologues le savent bien, car les femmes ayant eu une hystérectomie par voie vaginale leur demandent souvent au réveil si elles ont bien été opérées. » À l’inverse de l’extraction abdominale, les muscles abdominaux ne sont pas sectionnés mais seulement écartés par les trocarts, limitant d’autant les douleurs postopératoires. « Il faut bien expliquer aux femmes que ce n’est pas une épisiotomie et qu’il n’y a aucune conséquence sur la vie sexuelle, souligne le Pr Papardelle. Il n’y a pas de cicatrice, pas de modification de la lubrification ni de la libido ni du plaisir sexuel. Il faut que la voie vaginale rentre dans les mœurs, ce qui n’est pas encore le cas. » Un tabou qu’il serait temps de dépasser, plus de quinze ans après la première intervention de ce type en 1993. Après les deux équipes pionnières, l’une aux États-Unis, l’autre à Barcelone, seule une dizaine d’équipes à travers le monde réalise en effet la néphrectomie par voie vaginale à ce jour. « L’extraction par voie vaginale est amenée à se diffuser à l’avenir : moins douloureuse, plus esthétique, moins compliquée et sortie d’hospitalisation précoce. Dans 9 cas sur 10, la néphrectomie est indiquée pour un cancer du rein. Les candidates à cette chirurgie sont les femmes âgées de 20 à 70 ans et ayant déjà eu un accouchement par voie basse, puisque le facteur principal est la compliance et la trophicité du vagin. Notre patiente a d’ailleurs eu 5 enfants, dont l’un pesant 4kg900 ! » La prochaine intervention de l’équipe lyonnaise est programmée en janvier 2011 pour une greffe de rein avec donneur vivant.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8819