Officiellement à la retraite depuis 5 ans, le Pr Francine Leca n’a pas encore rangé son scalpel. À 73 ans, elle opère toujours. Une dérogation exceptionnelle l’autorise à s’occuper elle-même des enfants qui viennent se faire soigner en France grâce à son association « Mécénat chirurgie cardiaque ». Ce soir à 21 h 30, un documentaire inédit* diffusé sur France 5 retrace le parcours hors norme de cette pionnière de la chirurgie cardiaque pédiatrique. Francine Leca naît en 1938, année de la première intervention réussie sur une malformation cardiaque. Elle grandit à Neuilly-sur-Seine dans un milieu de bourgeois entre un père d’origine corse et une mère belge. En 1964, elle réussit le concours de l’internat et s’oriente dans un premier temps vers la chirurgie... de la main. En première année d’internat, elle se rend, a priori pour quelques mois seulement, dans un service de chirurgie cardiaque. « À l’époque, ce n’était pas très couru par les internes et l’on pouvait y aller facilement pendant six mois », explique-t-elle. Ce qui ne devait être qu’une expérience sans lendemain s’est avéré un véritable « coup de foudre ». En 1971, elle devient la première femme française à exercer la chirurgie du cœur. Elle fait de la chirurgie cardiaque des enfants sa spécialité et mène une longue carrière dans les hôpitaux parisiens. D’abord à l’hôpital Laennec où elle est nommée chef du service de chirurgie cardiaque en 1989. Une première pour une femme médecin à l’époque. Elle y exerce trente années avant de prendre la tête du service de chirurgie cardiaque de l’hôpital Necker. Durant quatre décennies, le malade a toujours été au centre de son existence. Au détriment parfois de sa vie de famille, évoque le Pr Leca dans son jardin autour d’une table aux côtés de son fils. « La chirurgie cardiaque, c’est de l’angoisse et du plaisir », déclare-t-elle.
La santé a un prix.
De la douleur aussi lorsqu’une opération tourne mal. « L’émotion qu’on a lorsqu’on perd un petit malade, c’est indescriptible. (...) Ce qui est épouvantable, c’est de perdre un grand enfant ou un jeune adolescent qu’on a opéré plusieurs fois, qu’on a vu grandir, qu’on a suivi. (…) Je ne partage pas ces moments car je ne sais pas avec qui les partager. Je vais dans un coin et je pleure. Je pleure très fort », confie le Pr Leca. La vie, elle y mord à pleines dents, en montant une pièce de théâtre, en faisant de la moto avec son fils, en partageant du temps avec ses petits-enfants ou en allant pêcher le saumon en Écosse avec ses frères. « Je suis une privilégiée et j’ai une dette (envers la vie). Quand on sait faire quelque chose on a envie de le donner aux autres. Du coup, on crée l’association et on opère les enfants. C’est une toute petite façon de rendre à la vie ce qu’elle m’a offert », déclare la chirurgienne.
Fondé en 1996, « Mécénat chirurgie cardiaque » permet chaque année à des enfants de pays défavorisés de venir en France se faire opérer du cœur. L’association s’appuie sur un réseau de 20 chirurgiens, une équipe de 8 salariés et pas moins de 400 bénévoles. En 2011, 180 enfants ont été soignés grâce à « Mécénat ». Les demandes affluent d’Afrique, d’Asie ou du Moyen-Orient, mais les places sont limitées. C’est toujours la chirurgienne en personne qui examine chaque cas, la plupart du temps sur dossier. Quelquefois, elle s’envole pour la Syrie à la rencontre d’enfants malades. En France, opérer un enfant du cœur coûte généralement 40 000 euros. En limitant au maximum la durée de l’hospitalisation, l’association a réussi à diviser ce coût par quatre. Les frais d’hospitalisation sont entièrement financés par des dons privés. « On dit que la santé n’a pas de prix. C’est totalement faux. (...) Il nous faut trouver de l’argent pour soigner les enfants. C’est la condition sine qua non. Si l’on n’a pas d’argent, l’hôpital n’acceptera pas nos enfants », résume-t-elle lucidement.
* "Francine Leca, le cœur sur la main", un film de Sophie de Malglaive, rediffusion dimanche 26 février à 7 h 55 et sur www.france5.fr ou www.pluzz.fr
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