La hanche spastique de l’enfant et de l’adolescent

Une prise en charge au maximum préventive

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Publié le 12/11/2018
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Reimers

Reimers
Crédit photo : DR

La paralysie cérébrale (PC), également connue sous le nom d’infirmité motrice cérébrale (IMC), regroupe un spectre étendu de désordres pathologiques de la motricité. Tirant son origine d’altérations de la commande neuronale centrale, elle affecte de façon diverse toutes les variables de la physiologie musculaire : la commande, le tonus, l’équilibre, la coordination… Le tableau de handicap alors généré chez l’enfant est des plus polymorphes. Ces troubles moteurs présents dès la naissance (voire parfois même avant) partagent la caractéristique de retentir, tout au long de la croissance, sur le développement harmonieux du système musculosquelettique. Le soignant devra donc rester en alerte tout au long du suivi de cette population pédiatrique particulière.

L’incidence de la PC reste inchangée malgré les progrès réalisés en matière de néonatologie, et les premiers résultats publiés de l’étude Epipage 2 montrent que la grande prématurité reste une des causes principales de cette lésion cérébrale fixe et définitive sur le cerveau immature (1). Chez l’enfant comme chez le jeune adulte, outre la spasticité, la douleur est un des plus fréquents symptômes, et elle est très souvent en relation avec une excentration ou une luxation de hanche d’origine spastique (LHS). Dans les atteintes les plus sévères, cette dernière peut être présente chez de 70 % à 80 % des patients, et dans la plupart des cas elle est douloureuse (2, 3).

Un effort de dépistage systématique

Le traitement et surtout le dépistage de la LHS ont considérablement évolué ces dernières décennies et justifient une mise au point.

Plusieurs équipes ou sociétés savantes ont prouvé, d’une part, le manque d’information des médecins et, d’autre part, les bénéfices d’un dépistage ciblé systématique (4-6). Pour ce dernier, l’outil le plus simple est la mesure du pourcentage d’excentration radiologique de la hanche avec la technique décrite par Reimers (7 et illustration).

Le traitement de la LHS est quant à lui maintenant bien codifié. Les mesures de prévention sont dans tous les cas indispensables : kinésithérapie, appareillage de posture et traitement de la spasticité, dont le principal moyen est la toxine botulinique. L’objectif de tous les traitements dans la PC est la prévention des complications orthopédiques et générales, et d’assurer ainsi le confort des patients.

La chirurgie en recours

Lorsque la hanche s’excentre progressivement et ne répond pas aux mesures préventives, la chirurgie est indiquée. Chaque fois que possible dans les formes sévères de la PC, un traitement neurochirurgical de la spasticité (pompe à baclofène intrathécale ou radicotomie postérieure sélective) doit être discuté. En effet, le traitement efficace de la spasticité est une condition de la pérennité du traitement orthopédique.

La chirurgie doit être graduée selon la situation de la hanche. Elle sera réalisée de manière bilatérale mais asymétrique, répondant à la sévérité de l’atteinte. Une excentration modérée de hanche peut faire appel à une chirurgie des parties molles (ténotomies et allongements musculaires). L’apparition de déformations osseuses au niveau du fémur ou du cotyle impose une réponse adaptée de la chirurgie, dont le but est alors la restauration d’une anatomie le plus proche de la normale et de la concentricité de l’articulation (ostéotomie fémorale et ostéotomie pelvienne, le plus souvent périacétabulaire). Si ces objectifs ne peuvent être atteints, la chirurgie ne peut être que palliative (agrandissement du cotyle).

Enfin, lorsque les déformations sont trop importantes, la hanche trop excentrée, ou que la dégénérescence précoce de l’articulation (arthrose douloureuse) est trop évoluée, la résection de hanche avec ostéotomie de valgisation donne de bons résultats sous réserve d’une maîtrise parfaite de la préparation chirurgicale et du postopératoire.

Miser sur la pluridisciplinarité

Récemment, la réalisation d’une prothèse totale de hanche (PTH) dans ces situations a montré de bons résultats. Sous réserve de certaines complications spécifiques (calcifications périarticulaires, fragilité osseuse augmentant le risque de fracture, faible taille des pièces osseuses…), les PTH implantées chez les patients atteints de PC se compliquent relativement peu (luxation, infection, descellement), et le taux de survie est de 77 % à 10 ans (8). Les PTH nécessitent une équipe rompue aux spécificités de ces patients, souvent dénutris et polypathologiques. Le recours à des prothèses sur mesure est parfois nécessaire. Et les implants à double mobilité sont à privilégier.

Il faut souligner que la prise en charge de cette pathologie ne peut se concevoir qu’avec des équipes pluridisciplinaires spécialisées, maîtrisant la chaîne thérapeutique des patients. La réussite du projet thérapeutique chirurgical dépend de la qualité de la préparation à l’intervention (état nutritionnel, spasticité) et de la gestion de la période postopératoire (antalgie, spasticité et rééducation).

 

D’après la conférence d’enseignement du Pr Bruno Dohin, université Jean-Monnet et service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital Nord (CHU de Saint-Étienne)

Documents téléchargeables sur les sites du Réseau régional de rééducation et réadaptation pédiatrique en Rhône-Alpes (R4P) et de l’Australian Academy of Cerebral Palsy and Developmental Medicine :

www.r4p.fr

www.aacpdm.org/UserFiles/file/IC292.pdf 

(1) Pierrat V et al. BMJ. 2017;358:j3448

(2) Hägglund G et al. BMC Musculoskelet Disord. 2007;8:101

(3) Wawrzuta J et al. Dev Med Child Neurol. 2016;58(12):1273-80

(4) Hägglund G et al. Bone Joint J. 2014;96-B(11):1546-52

(5) Shore BJ et al. J Pediatr Orthop. 2017;37(7):e409-e14

(6) Wynter M et al. Dev Med Child Neurol. 2015;57(9):808-20

(7) Reimers J. Acta Orthop Scand Suppl. 1980;184:1-100

(8) King G et al. Acta Orthop. 2016;87(2):93-9 


Source : Le Quotidien du médecin: 9701