Valves aortiques percutanées

Une réelle avancée

Publié le 19/05/2011
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UN GRAND nombre de patients ayant un rétrécissement aortique symptomatique ne sont pas opérables (ou à risque chirurgical élevé), soit en raison d’un âge trop avancé, soit en raison de pathologies associées. Pour pallier au risque élevé de la chirurgie sous anesthésie générale et sous circulation extracorporelle, il a donc été envisagé d’implanter une prothèse valvulaire aortique par voie artérielle.

Deux types de valves.

Le premier à avoir réalisé l’implantation d’une valve aortique par voie percutanée chez l’homme est le Pr Alain Cribier (CHU de Rouen). Sa valve, développée maintenant par la société Edwards LifeSciences, est sertie sur un ballonnet. Une autre valve ayant également le marquage CE est disponible. Il s’agit de la CoreValve, commercialisée par Medtronic, qui se met en place par autoexpansion lors du retrait d’une gaine. Ce n’est pas la seule différence entre les deux valves ; il y en a d’autres, à commencer par le type de matériau utilisé (alliage de cobalt et de chrome pour Edwards, nitinol pour Medtronic), la hauteur du stent (15 mm pour Edwards, 55 mm pour Medtronic qui est donc ancré au-dessus des ostia coronaires) et enfin, la nature de la valve (péricarde de bœuf pour Edwards, péricarde de porc pour Medtronic).

Hormis ces différences, leur technique d’implantation, par voie fémorale, est proche. « On introduit sous rayons X, un cathéter porteur à son extrémité distale du stent contenant la valve. Une fois avancé jusqu’à l’orifice aortique, le stent est libéré par gonflage d’un ballonnet ou retrait de la gaine, selon la valve utilisée. La fonction de la nouvelle valve est alors aussi bonne que celle des valves chirurgicales, avec cette différence que l’implantation ne nécessite qu’une simple anesthésie locale », souligne le Pr Hélène Eltchaninoff. Jusqu’à récemment, il n’était pas possible d’emprunter la voie fémorale, lorsque le calibre de l’artère fémorale était inférieur à 6 mm de diamètre et/ou si elle était trop calcifiée. Mais pour la valve Edwards, le calibre de l’introducteur a été réduit, ce qui représente une avancée technique À défaut, il est encore possible de passer par la pointe du cœur (voie transapicale). Toutefois, cette intervention nécessite une mini-thoracotomie et se fait sous anesthésie générale, en service de chirurgie cardiaque. Quant à la valve CoreValve, elle peut être introduite par l’artère sous-clavière, toujours sous anesthésie générale et avec abord chirurgical.

Le nombre de valves posées augmente de façon très rapide. Déjà, quelque 30 000 valves ont été posées dans le monde et environ 2 500 en France depuis l’obtention du remboursement par la Sécurité sociale, fin 2009. Actuellement, seuls les patients récusés par les chirurgiens ou considérés par l’équipe médicale comme à trop haut risque, peuvent être implantés : il s’agit donc d’une indication de deuxième intention, mais les bons résultats hémodynamiques obtenus (équivalents à ceux de la chirurgie) pourraient élargir ces indications. « Chez les malades pour lesquels nous disposons d’un suivi de 3 ou 4 ans, aucune dégénérescence de la valve n’a été notée, ce qui est très prometteur » confirme le Pr Eltchaninoff. Aujourd’hui, en France, seulement 33 centres sélectionnés par le ministère de la Santé sont autorisés à faire ce type d’implantation.

Des études comparatives sont indispensables.

Avec les équipes ayant une grande expérience de la technique, la mortalité des patients, 1 mois après implantation d’une valve aortique percutanée varie de 3 à 12 %.

Une seule étude randomisée contre la chirurgie de remplacement valvulaire aortique (chez des patients à haut risque chirurgical) ou contre le traitement médical (chez des patients inopérables) a été réalisée. Il s’agit de l’étude américaine PARTNER qui compare la mortalité à un an, suivant le type de traitement. Les résultats concernant les patients inopérables ont été publiés (1) : ils mettent en évidence une supériorité de la valve percutanée à un an par rapport au traitement médical avec une réduction absolue du risque de décès de 20 %.

Les résultats de cette étude concernant les patients opérables mais à haut risque ont été présentés en mars 2011 à l’occasion du congrès de l’American College of Cardiology. « L’objectif principal était de montrer la non-infériorité des valves percutanées par rapport à la chirurgie sur la mortalité à un an. La démonstration de la non infériorité de l’implantation percutanée d’une valve aortique par rapport à son implantation chirurgicale a été faite par cet essai randomisé. Ce type de patients va donc pouvoir disposer d’un autre choix thérapeutique que la chirurgie. De son côté, la Food and Drug Administration (FDA) devrait, on l’espère, et d’ici la fin 2011 autoriser l’ouverture de 300 centres d’implantation de ces valves, alors qu’il n’y en a qu’une dizaine aujourd’hui aux États-Unis » poursuit le Pr Eltchnaninoff.

Fort de ces bons résultats, une étude randomisée doit débuter aux États-Unis pour comparer la nouvelle valve cobalt chrome à l’ancienne. Une autre étude américaine vient de débuter, afin de comparer la CoreValve au traitement chirurgical chez les patients à haut risque.

« Les principales complications de cette technique – qui pourrraient diminuer avec une sélection rigoureuse des malades – sont l’obstruction d’une coronaire (1 % des cas), la rupture de l’anneau aortique (moins de 1 % des cas), la tamponnade (2-3 %) et la rupture de l’artère fémorale ou iliaque (6-7 %). Parfois encore, une insuffisance aortique paravalvulaire sévère se produit, traduisant une mauvaise apposition du stent, d’où l’importance de bien choisir la taille de celui-ci (une fuite très modérée reste bien tolérée). Enfin, la nécessité de devoir implanter un pacemaker est plus fréquente avec la Corevalve (nécessaire dans 25 %-30 % des cas) qu’avec la valve Edwards (nécessaire dans 4-5 % des cas) ou la chirurgie classique du rétrécissement aortique » conclut le Pr Eltchaninoff.

D’après un entretien avec le Pr Hélène Eltchaninoff, CHU de Rouen.

(1) Leon MB, Smith CR, Mack M, et coll. for the PARTNER Trial Investigators. Transcatheter aortic-valve implantation for aortic stenosis in patients who cannot undergo surgery. N Engl J Med 2010;363:1597-1607.

Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes