Angio-œdème bradykinique

Les formes iatrogéniques désormais au premier plan ?

Publié le 07/03/2016
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L’angio-œdème héréditaire est bien connu des dermatologues, régulièrement sollicités pour un bilan après un épisode aigu de gonflement du visage, des extrémités, de la sphère génitale, ORL ou encore digestive.

«En pratique, les formes iatrogéniques sont les plus fréquentes et la liste des médicaments en cause s’allonge », souligne le Pr Ludovic Martin.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) représentent la première classe médicamenteuse responsable d’angio-œdème, survenant chez 1 % des patients traités, la toux sous IEC est un facteur favorisant.

L’angio-œdème bradykinique iatrogène se traduit souvent par un oedème du visage, de la langue, ou laryngé. Il est donc associé à un risque d’asphyxie. Une enquête mise en place par le Centre national de référence des angio-œdèmes, le CREAK, précisera la mortalité qui lui est imputable.

Ainsi, lors du bilan, il faut rechercher minutieusement une origine médicamenteuse, en sachant qu’un médicament pris depuis de nombreuses années peut parfois être responsable.

Les sartans sont aussi fréquemment en cause, avec une intolérance croisée inconstante avec les IEC

Autre classe impliquée : les gliptines, le plus souvent lors de l’association de l’antidiabétique à un IEC, avec un « effet-dose » : les deux médicaments inhibent chacun une kininase, réduisant la dégradation de la bradykinine.

Les inhibiteurs de m-TOR peuvent aussi être responsables d’angio-œdème bradykinique, en particulier s’ils sont associés aux IEC ou aux gliptines, et ce par un mécanisme mal connu.

Les contraceptifs estroprogestatifs et les anti-androgènes, qui augmentent parfois la production de bradykinine sont également en cause. Le traitement hormonal substitutif et les SERM (modulateurs sélectifs du récepteur des estrogènes prescrits pour les cancers du sein, l’ostéoporose…) sont aussi susceptibles de provoquer un angio-œdème bradykinique.

L’arrêt du traitement ne résout pas tout

«La gamme de médicaments impliqués est donc large et toute la problématique est de définir l’intérêt de l’interruption d’un traitement », indique le Pr Martin. Il n’y a pas de signes annonciateurs et si l’angio-œdème survient plutôt dans des premiers mois de traitement, ce peut parfois être après 10 ou 15 ans. En outre, l’introduction du traitement révèle souvent une anomalie constitutionnelle du métabolisme de la bradykinine et son arrêt ne résout pas totalement le problème.

«Les modalités de prise en charge de l’angio-œdème bradykinique à sa phase aiguë sont une autre difficulté, rappelle le Pr Martin. Il ne répond ni aux corticoïdes, ni aux antihistaminiques, ni à l’adrénaline. L’icatibant et les autres dérivés du C1 inhibiteur n’ont une Autorisation de mise sur le marché (AMM) que dans les formes héréditaires et la littérature sur leur administration dans les formes idiopathiques est assez pauvre. Le CREAK a toutefois demandé de disposer de ces médicaments au moins dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) ».

D’après un entretien avec le Pr Ludovic Martin, CREAK, (Angers)
Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan spécialiste