Prise en charge de l’urticaire chronique

Précisions sur les antihistaminiques

Publié le 15/03/2012
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L’URTICAIRE CHRONIQUE se définit non pas comme une pathologie allergique, mais comme une maladie inflammatoire chronique secondaire à l’activation non spécifique des mastocytes cutanés en réponse à de multiples facteurs, survenant sur des terrains où les mastocytes sont particulièrement réactifs, comme l’auto-immunité ou l’atopie.

La première étape du traitement consiste bien évidemment à rechercher les facteurs aggravants ou déclenchants (physiques, médicamenteux, alimentaires, infectieux, psychologiques, etc.), à les supprimer ou au moins les limiter dans le cadre d’une prise en charge globale.

Ne pas hésiter à augmenter les doses antihistaminiques H1.

Le traitement symptomatique de cette dermatose repose, dans sa forme habituelle sur les antihistaminiques, dont l’effet n’est généralement que suspensif, la symptomatologie pouvant reprendre à l’arrêt du traitement.

La première conférence de consensus de 2003 (1) préconisait les antihistaminiques H1 (anti-H1), de préférence non sédatifs, à la posologie de l’AMM, en traitement continu – ce qui suppose aussi une bonne observance – sous couvert d’une évaluation régulière de la qualité de vie, de l’importance des lésions, du prurit et de la fréquence des poussées, l’arrêt devant se faire progressivement.

Les recommandations britanniques de 2007 et européennes de 2009 (2) ont apporté certaines nuances.

Du fait de leur effet sédatif et de leurs interactions médicamenteuses, en particulier via le cytochrome P450, les anti-H1 de première génération, hydroxyzine ou dextrophéniramine, sont à réserver aux formes invalidantes gênant le sommeil.

Les anti-H1 non sédatifs de deuxième génération, cétirizine, lévocétirizine, desloratadine et, éventuellement, fexofénadine sont désormais recommandés en première intention.

S’il est préférable de commencer par la dose de l’AMM, un comprimé par jour, elle se révèle souvent insuffisante et, selon les nouvelles recommandations, la posologie peut être augmentée jusqu’à 4 comprimés par jour sans majoration des effets indésirables. « En pratique, on prescrit un comprimé par jour pendant 2 à 4 semaines, et si cela ne suffit pas, on augmente progressivement la dose jusqu’à 3 ou 4 comprimés par jour. Il est indispensable de passer par cette étape avant d’envisager d’autres traitements » insiste le Dr Brigitte Milpied-Homsi. « Il n’existe par ailleurs aucune recommandation sur la répartition ou non des prises au cours de la journée, leur demi-vie longue de 24 heures permettant de les prendre en une seule fois si cela est bien toléré ».

Peu d’études ont comparé l’efficacité des antihistaminiques. Pour certains, la cétirizine et la lévocétirizine seraient un peu plus efficaces que la desloratadine, surtout lorsque les doses sont quadruplées, mais cette dernière serait mieux tolérée. En fait, l’efficacité et la tolérance vis-à-vis des antihistaminiques seraient génétiquement déterminées, et vu les variations individuelles dans la réponse thérapeutique, il est licite de switcher au sein de la classe thérapeutique.

Le traitement en continu est à privilégier par rapport au traitement à la demande. Aucune donnée de la littérature ne permet de déterminer précisément la durée optimale de traitement, mais, selon les avis d’experts et les pratiques professionnelles, on tend à préconiser un minimum de 3 à 6 mois si l’urticaire chronique est récente, de 6 à 12 mois si son évolution est ancienne.

L’arrêt du traitement doit être progressif sur plusieurs semaines pour éviter un effet rebond après un sevrage brutal.

En cas de résistance aux anti-H1.

Lorsque le traitement se révèle inefficace l’interrogatoire doit être repris pour évaluer l’observance et repérer des facteurs aggravants qui auraient pu ne pas être identifiés précédemment.

Si le traitement est toujours en échec après avoir atteint la posologie maximale et avoir éventuellement essayé d’associer ou de substituer un autre anti-H1, on peut envisager d’autres thérapeutiques. Ces urticaires résistantes concernent 10 à 15 % des patients. On a de moins en moins recours à l’association à un anti-H2, mais on peut proposer l’association à un antileucotriène, le montélukast à 10 mg/j.

On peut recourir à des immunosuppresseurs comme la ciclosporine, qui a montré une certaine efficacité (3, 4), mais aussi le méthotrexate ou le mycophénolate mofétil. Les biothérapies, et en particulier l’omalizumab, ont été utilisées en traitement de deuxième intention, mais elles n’ont pas l’AMM dans cette indication.

Bien qu’ils soient encore très – trop – largement utilisés, les corticostéroïdes locaux ou généraux n’ont aucune place dans le traitement de l’urticaire chronique, y compris les formes résistantes, car même à petites doses intermittentes, ils entretiennent la chronicité. Et on sait très bien qu’une fois prescrits, la plupart des patients seront tentés d’en reprendre à chaque poussée !

Un abord global.

La prise en charge de l’urticaire chronique ne se résume pas au traitement symptomatique. Il faut aider le patient à mettre en évidence les facteurs déclenchants et aggravants et lui remettre une liste d’aliments et de médicaments histaminolibérateurs. Il doit être clairement informé des mécanismes de sa maladie, des principes du traitement, de la nécessité de le poursuivre en continu, et des inconvénients liés à la prise de corticoïdes (5).

D’après un entretien avec le Dr Brigitte Milpied-Homsi, hôpital Saint-André, Bordeaux.

(1) Conférence de Consensus sur la prise en charge de l’urticaire chronique. Ann Dermatol Venereol 2003;130:S182 –92.

(2) Zuberbier T, et al. EAACI/GA2LEN/EDF/WAO guideline: management of urticaria. Allergy 2009;64:1427-43.

(3) Kessel A, Toubi E. Allergy 2010;65(11):1478-82.

(4) Boubouka CD, et al. Acta Dermatol Venereol 2011;91(1):50-4.

(5) Fiches d’information patient sur http://dermato-info.fr/article/L_urticaire et http://www.sfdermato.org/doc/URTICAIREnov%202010.pdf.

Dr MAIA BOVARD-GOUFFRANT

Source : Bilan spécialistes