Ischémie myocardique silencieuse

Comment la dépister?

Publié le 24/11/2011
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Crédit photo : PHANIE

LES COMPLICATIONS cardio-vasculaires sont deux à trois fois plus fréquentes chez les diabétiques que chez les non diabétiques et elles font le pronostic du diabète. Elles participent à raccourcir l’espérance de vie d’un diabétique de 8 ans pour les sujets de 55 à 64 ans et de 4 ans pour les individus plus âgés.

L’ischémie myocardique silencieuse (IMS) reste une complication fréquente du diabète en dépit du contrôle intensif des facteurs de risque cardio-vasculaire. On peut estimer à 30 % sa prévalence moyenne chez des diabétiques totalement asymptomatiques, avec électrocardiogramme de repos normal et présentant un autre facteur de risque cardio-vasculaire. Elle est associée à un risque accru d’événements cardio-vasculaires. L’infarctus du myocarde est en particulier probablement aussi souvent silencieux chez les diabétiques qu’il est symptomatique.

Le temps n’est pas venu d’arrêter le dépistage de l’IMS.

Une controverse a récemment émergé à propos de l’utilité de ce dépistage (1). Elle est fondée sur le manque de preuve de son bénéfice et sur la faisabilité et la rentabilité de ce dépistage.

Concernant le bénéfice thérapeutique, l’étude DIAD a semé le trouble (2). Dans cette étude randomisée, le dépistage de l’IMS chez des diabétiques à risque cardio-vasculaire bas ou moyen ne réduisait pas l’incidence des événements cardio-vasculaires par rapport à des patients non dépistés. Cependant, les malades ayant une scintigraphie anormale n’avaient pas de prise en charge thérapeutique spécifique, que ce soit en termes de traitement antiangineux ou d’éventuelles revascularisations coronaires (3). Or des données suggèrent le bénéfice de la revascularisation en cas de sténose coronaire silencieuse (4). « Le temps n’est donc pas encore venu d’arrêter le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse du diabétique » (3).

Nous progressons dans la sélection des patients à dépister.

En ce qui concerne la faisabilité et la rentabilité, il n’est ni possible ni logique de rechercher une IMS chez tous les diabétiques en raison de leur nombre. Une stratification du risque coronaire s’impose donc. Elle est actuellement fondée sur le risque cardio-vasculaire a priori des diabétiques (5). Les recommandations actuelles préconisent de rechercher une IMS chez les diabétiques asymptomatiques âgés de plus de 60 ans, ou atteints d’un diabète depuis au moins 10 ans, et ayant au moins deux autres facteurs de risque associés, ou ayant une atteinte artérielle périphérique ou chez ceux présentant une néphropathie. Ces critères correspondent à des diabétiques asymptomatiques dont le risque d’événement coronaire à 10 ans est égal ou supérieur à 30 % chez l’homme et à 24 % chez la femme, c’est-à-dire 2,3 fois supérieur à celui des diabétiques sans autre facteur de risque. Ils semblent que ces critères peuvent être améliorés, en considérant en plus de ces critères, le sexe masculin et la présence d’une rétinopathie, tous deux prédicateurs d’IMS et de sténoses coronaires silencieuses (6).

Le dépistage de l’IMS doit donc être mis en œuvre dans une sous-population de diabétiques asymptomatiques qu’il faut au préalable bien définir. Cela suppose également de mettre en évidence de nouveaux marqueurs afin d’optimiser l’identification des patients ayant des sténoses coronaires silencieuses et de réduire le nombre de patients chez qui dépister l’IMS pour le réserver aux diabétiques à risque intermédiaire ou élevé.

L’IMS a une valeur prédictive péjorative.

L’intensification de la prise en charge des principaux facteurs de risque depuis une décennie a permis de réduire de 50 % le risque d’événements cardio-vasculaires, mais il reste un risque résiduel, qui est associé à la présence de l’IMS (2). Le risque cardio-vasculaire est donc mieux évalué lorsqu’on connaît le statut IMS des patients. À titre d’exemple, un diabétique à risque cardio-vasculaire a priori augmenté, mais sans coronaropathie silencieuse a 3,4 fois plus de risque de faire un événement cardio-vasculaire qu’un diabétique à risque faible. Cette augmentation passe à 16,6 fois s’il présente une coronaropathie silencieuse (2).

D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Cosson, service de diabétologie-endocrinologie-nutrition, CHU Jean Verdier, Bondy et unité de recherche épidémiologique nutritionnelle, UMR U557 INSERM/U11125 INRA/CNAM/université Paris13, Bobigny.

Conflits d’intérêt : pas de conflit dans le cadre de cet entretien.

(1) Valensi P. Looking after silent coronary artery disease in diabetic patients. When and how ? Endocrine 2011;40(2):149-50.

(2) Young LH, et coll. Cardiac outcomes after screening for asymptomatic coronary artery disease in patients with type 2 diabetes: the DIAD study: a randomized controlled trial. JAMA 2009;301(15):1547-55.

(3) Valensi P, Cosson E. It is not yet the time to stop screening diabetic patients for silent myocardial ischaemia. Diabetes Metab 2009;(36):91-6.

(4) Faglia E, et coll. Risk reduction of cardiac events by screening of unknown asymptomatic coronary artery disease in subjects with type 2 diabetes mellitus at high cardiovascular risk: an open-label randomized pilot study. Am Heart J 2005;149(2):e1-6.

(5) Puel J, et coll. Identification of myocardial ischemia in the diabetic patient. Joint ALFEDIAM and SFC recommendations conjointes SFC/ALFEDIAM. Diabetes Metab 2004;30:3S3-18.

(6) Publication en cours.

 Dr GÉRARD BOZET

Source : Bilan spécialistes