Excrétion rénale exagérée de phosphates

Diagnostic, étiologies et traitement du diabète phosphoré

Publié le 10/02/2011
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Crédit photo : BSIP

Signes cliniques

Le diabète phosphaté engendre une hypophosphorémie qui peut être symptomatique.

Chez l’enfant, l’hypophosphorémie entraîne un rachitisme dit vitaminorésistant, qui associe des douleurs osseuses, un retard à la marche, des déformations des os des membres inférieurs avec incurvations tibiales, des fissures ou fractures de côtes provoquant une insuffisance respiratoire.

Chez l’adulte, l’hypophosphorémie majeure (phosphorémie < 0,50 mmol/l ) peut induire un tableau identique d’ostéomalacie vitaminorésistante avec douleurs osseuses multiples. Radiologiquement, les signes sont ceux de l’ostéomalacie avec une trame osseuse floue, « sale », inhomogène avec fractures par insuffisance osseuse. L’hypophosphorémie plus modérée, souvent asymptomatique, peut être responsable de tableaux cliniques évocateurs de fibromyalgie. Les douleurs s’associent fréquemment à une tendance dépressive, une asthénie, un manque d’entrain, à une ostéoporose le plus souvent masculine.

Diagnostic d’une hypophosphorémie

(Phosphore < à 0.85 mmol ou 25 mg/l)

Pour comprendre l’hypophosphorémie aiguë, il faut rappeler quelques notions de physiologie : le phosphore extracellulaire ne représente que quelques centièmes du phosphore total. Dans l’organisme, la majorité des phosphates sont intracellulaires et certaines circonstances peuvent favoriser le passage des phosphates du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire et occasionner ainsi des hypophosphorémies transitoires. Ces hypophosphorémies se rencontrent surtout en médecine d’urgence : alcalose respiratoire, injections d’insuline, de catécholamines, perfusions de sérum glucosé, intoxication alcoolique.

Hypophosphorémie chronique

Le diagnostic passe par le dosage de la phosphaturie des 24 heures Elle permet de distinguer un diabète phosphoré, au cours duquel elle est augmentée, d’un défaut d’apport en phosphore ou d’une diminution de l’absorption digestive, En cas d’hypophosphorémie par malabsorption digestive, la phosphaturie est inférieure à 10 mmol/24 heures En cas de diabète phosphoré, la phosphaturie sera augmentée ou inadaptée, supérieure à 20 mmol/24 heures.

Diagnostic positif d’un diabète phosphoré

Le diabète phosphoré (DP) évoqué devant une phosphorémie inférieure à 0,85 mol et une phosphaturie supérieure à 20 mol/24 heures Le diagnostic de DP est confirmé par des calculs simples qui nécessitent les dosages de la phosphorémie, de la créatinémie, de la phosphaturie et de la créatininurie : la clairance du phosphore (diurèse x phosphaturie/phosphorémie) sera supérieure à 15 ml/min, le taux de réabsorption du phosphore (100 – phosphaturie x créatininémie/phosphorémie x créatininurie) sera inférieur à 85 % et le TmPO4/GFR ou seuil de résorption du phosphore qui rapporte le taux maximal de réabsorption rénale du phosphore à la phosphorémie sur un diagramme proposé par Bijvoet sera inférieur à 0,80.

Diagnostic étiologique d’un DP

Hyperparathyroïdie

Le DP peut être secondaire à une hyperparathyroïdie. Le taux de parathormone (PTH) est augmenté (la PTH est une hormone phosphaturiante). L’hyperparathyroïdie peut être primitive et l’hypophosphorémie s’associe à une hypercalcémie. Elle peut être secondaire à une carence en vitamine D (taux de 25OHD < 10 ng/ml) Dans ce cas, la calcémie sera basse, de même que la calciurie.

Tubulopathie complexe

Le DP peut être secondaire à une tubulopathie complexe (syndrome de Fanconi). Ce dernier associe de façon plus ou moins complète au DP une amino-acidurie, une fuite urinaire de bicarbonates, une glycosurie et une protéinurie tubulaire. Myélome, amylose, syndrome de Sjögren ou molécules antivirales utilisées dans le traitement du SIDA et de l’hépatite B en sont les causes les plus fréquentes.

Diabète phosphoré et FGF23

Le DP peut être secondaire à une sécrétion exagérée de FGF23. Ce facteur de croissance intervient en physiologie dans la régulation de l’excrétion phosphorée au même titre que la PTH. Il peut être sécrété en excès par certaines tumeurs mésenchymateuses, le plus souvent bénignes, responsables donc de DP oncogènes. Le FGF 23 est impliqué dans les DP congénitaux, les mutations génétiques rendant sa dégradation impossible, soit par enzymes déficientes, soit par anomalie du FGF lui-même. Le dosage du FGF23 est possible, hors nomenclature, mais n’est pas de pratique courante. On soupçonne l’implication du FGF23 dans un DP lorsque le taux de 1-25OH vitamine D est paradoxalement bas car le FGF23 diminue l’hydoxylation en 1 alpha de la vitamine D alors que l’hypophosphorémie la stimule.

Diabètes phosphorés idiopathiques

Lors des DP idiopathiques, les malades évoquent des douleurs articulaires, tendineuses ou musculaires, dont le début est difficile à préciser : il s’agit d’un tableau de fibromyalgie masculine, associé dans deux tiers des cas à une ostéoporose sans défaut de minéralisation. La phosphorémie est modérément abaissée, comprise entre 0,70 et 0,85 mmol/L.

Le bilan étiologique est négatif. Le taux de 1,25 OH vitamine D3 est normal ; le FGF, lorsqu’il est dosé, est lui aussi dans la limite de la normale.

Traitement des diabètes phosphatés

Le traitement est tout d’abord étiologique. S’il existe une affection causant un syndrome de Fanconi, elle doit être traitée et la tubulopathie régressera. S’il s’agit d’un diabète phosphoré oncogène, l’exérèse de la tumeur guérira le patient.

En cas de diabète phosphoré idiopathique, circonstance la plus fréquente, nous proposons dans un premier temps un test de perfusion par le dipyridamole (utilisation hors AMM). Cette molécule, utilisée habituellement par les angiologues, permet d’augmenter chez un tiers des malades la réabsorption tubulaire du phosphore. On évalue donc le TRP avant et après perfusion de dipyridamole. Lorsque celui-ci augmente de plus de 30 %, on considère que le test est positif et on administre du dipyridamole per os à la dose de 75 mg, 3 à 4 fois par 24 heures en raison d’une demi-vie biologique courte.

Lorsque le dipyridamole est inefficace, on supplémente le malade avec du Phosphoneuros : cinquante gouttes trois fois par jour. Ce traitement permet d’augmenter modérément la phosphorémie et augmente aussi et surtout la phosphaturie. D’où la nécessité de ne pas dépasser ces doses en raison du risque lithiasique. Lorsque la calciurie des 24 heures est inférieure à 5 mmol et lorsque le taux de 1,25 di-OH vitamine D n’est pas augmenté, nous associons à cette supplémentation phosphorée du calcitriol (Rocaltrol) à faible dose (0,50 µg/j). Ce traitement est utilisé « historiquement » dans le rachitisme vitaminorésistant de l’enfant.

Bibliographie

Laroche M, BOyer JF. Phosphate diabetes, tubular phosphate reabsorption and phosphatonins. « Joint Bone Spine », 2006; 72: 376-381. 02.

Bijvoet OL. Normogram for dérivation of renal threshold phosphate concentration. « Lancet », 1975; 2: 309-310. 06.

Dr MICHEL LAROCHE Service de Rhumatologie, CHU Purpan Toulouse cedex.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8904