Faibles risques

En fait-on trop pour la thyroïde ?

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Publié le 24/03/2023
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Malgré un certain surdiagnostic, la mortalité basée sur l’incidence a continué d’augmenter

Malgré un certain surdiagnostic, la mortalité basée sur l’incidence a continué d’augmenter
Crédit photo : BURGER / PHANIE

Une vaste revue fait le point sur le surtraitement et le surdiagnostic du cancer de la thyroïde (1). Un texte riche de données et de réflexions pertinentes. L’incidence de ce cancer, en particulier des formes à faible risque, a considérablement augmenté. Aux États-Unis, elle a triplé entre 1974 et 2013, jusqu’à 14 cas/100 000, une augmentation largement attribuée à la détection accrue de formes silencieuses, donc exposant à un risque de surdiagnostic. En Corée du Sud, le dépistage a abouti à une multiplication par 15 de l’incidence entre 1993 et 2011. Entre 1988 et 2007, dans seulement 12 pays industrialisés, environ 470 000 femmes et 90 000 hommes auraient été surdiagnostiqués.

Cela est d’abord lié à la diffusion de l’imagerie. De 16 à 18 % des patients qui ont une TDM et de 20 à 70 % de ceux qui bénéficient d’une échographie cervicale ont des nodules thyroïdiens accidentellement identifiés. Cela a entraîné une augmentation spectaculaire des biopsies par aspiration à l’aiguille fine, des diagnostics de cancer de la thyroïde et des interventions chirurgicales.

Malgré tout, l’augmentation d’incidence (+ 1,1 %/an) des cancers thyroïdiens ne semble pas uniquement être une conséquence des surdiagnostics. Les tumeurs de grande taille et les formes plus agressives sont aussi plus nombreuses. Certains incriminent pour partie le rôle de l’obésité (risque multiplié par 1,3).

Depuis peu, probablement en raison des efforts pour réduire le surdiagnostic, l’incidence du cancer de la thyroïde n’augmente plus. De 2014 à 2018, pour ce qui concerne les cancers ≤ 1 cm, elle a diminué aux États-Unis, alors qu’elle a plafonné pour les tumeurs > 1 cm. Mais la mortalité basée sur l’incidence a continué d’augmenter.

En 2017, un groupe de travail américain avait émis une recommandation contre le dépistage chez les adultes asymptomatiques, donnant à la pratique son niveau de preuve le plus bas, D, et indiquant que les inconvénients peuvent l’emporter sur les avantages. Mais les choses sont loin d’être simples, et l’individualisation reste le maître mot.

Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes

(1) Ullmann TM. J Clin Endocrinol Metab. 2023 Jan 17;108(2):271-80

Pr Serge Halimi

Source : Bilan Spécialiste