Grossophobie : la stigmatisation de l'obésité émane aussi des professionnels de santé

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Publié le 25/10/2021
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Crédit photo : PHANIE

Changer le regard vis-à-vis des personnes en situation d'obésité représente un enjeu social et éthique. L'excès de poids est aujourd'hui stigmatisé dans la vie réelle comme dans la sphère numérique. Pour comprendre comment le sujet du surpoids est abordé sur le web social français, Novo Nordisk a mené une étude (1) analysant plus de 180 000 publications sur Twitter, Facebook, Instagram, blogs, forums et sites web dédiés à l'obésité.

Les principaux résultats mettent en exergue le fait que Twitter est la plateforme de prédilection sur le sujet de l'obésité. Ce réseau social comprend également les propos les plus polémiques (moqueurs, dénigrants ou stigmatisants) sur le sujet. À l'inverse, Instagram et Facebook semblent livrer des messages plus bienveillants. Facebook est surtout utilisé pour relayer des actualités sur l'obésité.

Quant à Instagram, il permet de diffuser des messages positifs sur le corps. C'est aussi le réseau social préféré des coachs sportifs. « D'après le “top 50 des hashtags les plus mentionnés”, les conversations portent notamment sur les divertissements (commentaires sur les émissions et séries télévisées, jeux vidéo), la vie familiale et maternelle et le développement personnel, souligne Smaïn Laacher, professeur de sociologie à l'université de Strasbourg. Certains échanges sont militants : dénonciation de la grossophobie, acceptation de soi, e son poids… Grâce à ces communautés, l'obésité est en train de passer d'une souffrance privée à une cause collective. » Une cause qui mérite d'être soutenue d'autant plus qu'il s'agit d'une maladie visible et méconnue du grand public, mais aussi, des professionnels de santé.

Des préjugés négatifs dans le monde de la santé

Les études sur la grossophobie médicale ont été menées dans différents pays depuis une vingtaine d'années. « Une enquête réalisée en 2008 (2) a montré que 18 % des étudiants en médecine pensent que les patients obèses sont paresseux, peu attrayants, moins intelligents et moins susceptibles de répondre aux conseils diététiques prodigués, rapporte le Dr Vanessa Folope, endocrinologue, médecin responsable du Centre de Nutrition Bois-Guillaume (CHU de Rouen). Il existe ainsi une réticence de la part de certains médecins à prendre en charge les patients en situation d'obésité. »

Par ailleurs, il a été montré que le poids du patient peut influencer le traitement du médecin. « En consultation, face à un patient présentant une obésité, les médecins ont tendance à prescrire plus d'examens complémentaires et à consacrer moins de temps à l'écouter (3). Certains auteurs ont également montré que les professionnels de santé les plus stigmatisants sont ceux qui n'ont pas de problème de poids, ceux qui débutent et qui ne sont pas formés aux déterminants de l'obésité », note le Dr Folope.

Mieux former les soignants à l'obésité

Outre les préjugés négatifs, les patients en excès de poids doivent faire face aux problèmes d'équipements dans les hôpitaux : pèse-personnes non adaptés, linge de lit, fauteuils et lits trop étroits… « La conséquence de cette grossophobie médicale est l'éloignement du recours au soin, assure le Dr Folope. Peur d'être jugés négativement, les patients s'isolent, restent chez eux, ne font pas d'activité physique… Un cercle vicieux s'installe. Pour que les choses changent, il faut améliorer la formation initiale et continue des médecins. »

Depuis 2015, au CHU de Rouen, une formation est ouverte aux professionnels de santé qui le souhaitent afin de leur fournir des éléments de psychologie et de logistique pratique pour mieux prendre en charge le patient en excès de poids. Pour sa part, Agnès Maurin, cofondatrice et directrice nationale de la Ligue contre l’obésité, fait preuve d'optimisme. « Grâce aux jeunes générations et aux réseaux sociaux, nous espérons que le regard sur l'obésité se modifiera petit à petit. Il s'agit de mettre en place une société plus inclusive, de l'école, à l'entreprise, en passant par la sphère sociale et familiale », espère-t-elle.

(1) étude menée par Linkfluence pour Novo Nordisk France, du 1er juin 2020 au 31 mai 2021.
(2) Wigton et al, J Gen Intern Med 01, 2008.
(3) Hebl et al, Pers Soci Psychol, Bull 03.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : lequotidiendumedecin.fr