La boucle fermée arrive en pédiatrie

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Publié le 26/11/2021
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Les enfants atteints de diabète de type 1 vont bientôt pouvoir bénéficier de l’insulinothérapie en boucle fermée. En pratique, hormis les prescriptions de corticoïdes per os, à éviter sauf urgence, le suivi de ces enfants en médecine générale est le même que pour les autres enfants.
Les enfants doivent au préalable être capables de maîtriser la pompe

Les enfants doivent au préalable être capables de maîtriser la pompe
Crédit photo : phanie

Les boucles fermées, des pompes à insuline capables de délivrer de façon complètement automatisée la prise d’insuline en dehors des repas, ont fait la preuve de leur efficacité et leur sécurité d’utilisation chez les adultes et les enfants de plus de 6 ans. Pour ces derniers, le remboursement n’a pas encore été accordé, mais les pédiatres espèrent que cela arrive au cours de l’année 2022.

Une véritable innovation thérapeutique

« Il s’agit d’une avancée technologique majeure qui change complètement la prise en charge des enfants avec un diabète de type 1 (DT1), en permettant d’avoir un équilibre métabolique optimal, tout en améliorant la qualité de vie des enfants et des familles. En effet, la délivrance de l’insuline étant automatisée, on diminue la charge mentale liée à cette maladie chronique, qui est extrêmement contraignante », explique la Dr Élisabeth Bonnemaison (CHU de Tours).

Alors que les adultes diabète de type 2 doivent suivre un régime alimentaire, les enfants avec un DT1 peuvent manger ce qu’ils veulent si l’insuline administrée est en rapport. Cependant, ils doivent, du fait de leur maladie contraignante, réfléchir à la quantité d’insuline qu’ils doivent apporter, et ce plus de 8 fois par jour, pour les repas, à distance des repas et parfois même la nuit. « Avec les boucles fermées, ce travail est très allégé : les enfants (ou leurs parents) ont juste à annoncer le repas en calculant le nombre de glucides compris dedans. Certes, il faut aussi qu’ils continuent de changer le cathéter de la pompe tous les 3 jours ainsi que le capteur pour mesurer le glucose tous les 8 à 10 jours. C’est néanmoins bien moins invasif que de se piquer le doigt au minimum 6 fois par jour pour connaître sa glycémie », poursuit la Dr Bonnemaison.

En novembre 2021, de nouveaux cathéters qui se changeront à 7 jours au lieu de 3 arrivent sur le marché. Ces innovations sont autant de gestes invasifs en moins et améliorent la qualité de vie. Dans les années à venir, les pédiatres diabétologues tablent sur des algorithmes encore plus performants, afin de ne plus avoir à annoncer les repas et donc compter les glucides : c’est le principal frein actuel aux bons résultats, y compris sous boucle fermée.

Quelles particularités au cours de la consultation ?

Les généralistes vont ainsi être amenés à avoir, de plus en plus dans le futur, des enfants avec un DT1 équipés d’une boucle fermée dans leur patientèle. Même si ces enfants sont suivis de près par des équipes spécialisées pour leur diabète, il est indispensable que le suivi de leur croissance, la prise en charge des viroses, les certificats de sport, etc. soient assurés par leur médecin traitant habituel. « Ces enfants peuvent tout faire comme les autres, raison pour laquelle leur suivi par un généraliste est très important et complètement possible », insiste la Dr Bonnemaison. Ces enfants ne se réduisent pas à leur diabète, même si cette pathologie motive une consultation chez leur pédiatre diabétologue tous les trois mois environ. « Le généraliste ne doit pas s’inquiéter de la présence d’une boucle fermée, bien au contraire, car elle adapte les doses d’insuline délivrées en cas d’évènement aigu concomitant (comme une infection virale) : c’est donc plutôt une sécurité. Le généraliste doit juste s’assurer, au moment où il voit l’enfant, que son taux de glycémie est bien dans une cible acceptable. Si sa glycémie est très élevée — ce qui ne devrait pas arriver puisque le jeune patient (ou sa famille) a été éduqué pour savoir comment réagir  il faut contacter, avec la famille, le centre référent », explique la Dr Bonnemaison.

Prudence sur les corticoïdes per os

En ce qui concerne les prescriptions, seuls les corticoïdes per os doivent être prescrits avec prudence. « Avant de mettre un enfant avec un DT1 sous corticoïdes per os, sauf s’il y a un risque vital, il faut prévenir l’équipe de diabétologie en charge du suivi de l’enfant car c’est le seul médicament qui va mettre en échec la boucle fermée. En revanche, il n’y a pas de problème avec les corticoïdes inhalés ou cutanés. Il n’y en a pas non plus avec les autres médicaments, même ceux qui contiennent du sucre : la teneur en sucre étant connue, l’enfant (ou ses parents) ont juste à tenir compte de ce supplément dans leurs calculs au moment de la prise », note la diabétologue.

Le pédiatre diabétologue considère que l’enfant avec un DT1 est très bien équilibré s’il passe plus de 70 % du temps dans la cible [70 – 180] mg/dl sur les 14 derniers jours, bien équilibré si c’est plus de 60 % du temps et qu’il y a un problème et que l’avis du spécialiste est requis si ce temps est inférieur à 50 %. Ces chiffres sont consultables très facilement sur le lecteur de mesure de glucose en continu que portent désormais quasiment tous les enfants.

Entretien avec la Dr Élisabeth Bonnemaison, pédiatre au CHRU de Tours

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin