Traitement de l’insuffisance surrénale

À la recherche de la substitution idéale

Publié le 25/11/2009
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Crédit photo : DR

Par le Pr Jérôme Bertherat*

DANS L’INSUFFISANCE surrénale primaire le cortex de la glande surrénale est primitivement atteint et sa destruction entraîne une baisse des trois types de stéroïdes : glucocorticoïdes, minéralocorticoïdes et androgènes surrénaliens. La baisse du rétrocontrôle négatif du cortisol entraîne une augmentation des taux plasmatiques d’ACTH et s’accompagne souvent d’une mélanodermie (d’où le nom de « maladie bronzée d’Addison »). Dans l’insuffisance surrénale secondaire, ou déficit corticotrope, la baisse de sécrétion hypophysaire d’ACTH entraîne secondairement une insuffisance de sécrétion de glucocorticoïde et d’androgènes qui sont principalement contrôlés par l’ACTH hypophysaire. La corticothérapie est la cause la plus fréquente d'insuffisance corticotrope. Si les corticoïdes par voie générale pris pendant plusieurs semaines ou mois à forte dose sont le plus souvent en cause, il faut cependant savoir que des corticoïdes par voie locale (infiltration par exemple) peuvent aussi être impliqués. La possibilité d’une insuffisance surrénale secondaire à la prise de corticoïdes inhalés chez l’asthmatique (en particulier chez l’enfant), bien que peu fréquente, a été bien reconnue ces dernières années.

Le traitement de l’insuffisance surrénale repose sur la substitution par glucocorticoïde dans tous les cas et par minéralocorticoïde dans le cadre de l’insuffisance surrénale primaire. L’introduction de ces thérapeutiques il y a 60 ans a radicalement transformé le pronostic de cette maladie dont l’évolution était auparavant souvent fatale. Depuis cette période historique, les traitements substitutifs de l’insuffisance surrénale ont peu évolué. Il a longtemps été considéré que cette substitution qui avait radicalement transformé le pronostic de cette maladie ne posait que peu de problème à partir du moment où une dose suffisante de stéroïde était prescrite. L’analyse des données épidémiologiques de la mortalité de l’insuffisance surrénale et l’étude de qualité de vie chez les patients substitués selon les règles ont conduit depuis une dizaine d’années à se poser un certain nombre de questions. Des études de mortalité, principalement conduite dans les pays scandinaves, suggèrent une surmortalité d’un facteur 2 à 3 dans l’insuffisance surrénale primaire (1). Différentes études objectivent une réduction de la qualité de vie et des sentiments dépressifs dans l’insuffisance surrénale primaire ou secondaire substituée (2). Ces observations ont conduit à se poser la question de la bonne adaptation des traitements substitutifs en glucocorticoïdes et la place éventuelle d’une substitution en androgènes surrénaliens.

Concernant la substitution en glucocorticoïde, elle se fait le plus souvent par l’hydrocortisone qui a l’avantage d’être l’équivalent du glucocorticoïde naturel, le cortisol. La production quotidienne de cortisol est de 5 à 10 mg/m2. Le cycle nycthéméral du cortisol entraîne chez le sujet sain un taux maximal le matin vers 08 h 00 et un taux minimal vers minuit. La substitution a pour objectif de mimer ce rythme en apportant une dose plus forte le matin qu’à midi. Les doses employées étaient fréquemment auparavant de 30 à 40 mg/j chez l’adulte. La crainte des effets à long terme d’un surdosage, même très léger, sur la masse osseuse, la tolérance glucidique et le système vasculaire a conduit à se rapprocher d’une dose jugée plus physiologique de 15 à 30 mg/j. Il n’existe pas de paramètre biologique satisfaisant pour adapter cette thérapeutique, et le jugement clinique est donc l’essentiel. La recherche de la posologie minimale impose cependant une excellente éducation du patient afin que les doses soient augmentées en cas de stress ou d’infection intercurrente pour éviter toute décompensation pouvant conduire à la dramatique insuffisance surrénale aiguë. Dans ces situations la surrénale sécrète physiologiquement plus de cortisol. En cas de troubles digestifs avec vomissements ou de situation d’urgence médico-chirurgicale, l’hydrocortisone doit être apportée par voie parentérale. En France, dans le cadre du plan national maladies rares, une carte d’insuffisance surrénale comportant des informations pour les médecins et patients a été développée dans ce but (http://surrenales.aphp.fr/presentation/index.phpions). Dans la recherche d’une qualité de vie optimum, la difficulté des médicaments actuellement disponibles à reproduire un rythme physiologique du cortisol a aussi été discutée. En effet, la prise d’hydrocortisone (dont la demi-vie est brève, environ 90 mn) sur un schéma classique (2/3 dose le matin, 1/3 à midi) ne reproduit que partiellement la physiologie. Chez certains patients asthéniques en fin de journée, la dose a été fractionnée en 3 prises avec l’apport d’une petite dose (par exemple 5 mg) d’hydrocortisone vers 17 heures Cependant, il est actuellement impossible de mimer la physiologie afin d’obtenir dès le réveil un taux maximal de cortisol circulant. Pour cette raison des galéniques à libération retardée de glucocorticoïdes sont actuellement en cours de développement.

La substitution en minéralocorticoïde se fait dans l’insuffisance surrénale primaire et repose habituellement chez l’adulte sur 50 à 100 µg/j de Fludrocortisone. Ce traitement s’adapte sur la clinique, l’ionogramme sanguin et le dosage de rénine plasmatique. Son adaptation est considérée comme ne posant pas de problème majeur.

L’androgène surrénalien DHEA (déhydroépiandrostérone) étant le stéroïde produit en plus grande abondance par la surrénale sa substitution est discutée depuis une dizaine d’années. Chez les patientes en insuffisance surrénale une amélioration de l’humeur, de la sexualité et de la qualité de vie en rapport avec l’état de santé a été observée dans certaines études (3). Il a été en particulier suggéré que cette substitution pourrait être bénéfique en l’absence d’activité ovarienne (c’est-à-dire chez les patientes présentant une atteinte hypophysaire globale ou chez les patientes ménopausées). Chez l’homme les bénéfices d’une substitution par DHEA ont par contre plus rarement été rapportés. Une méta-analyse récente de l’ensemble des publications sur des essais randomisés d’une substitution par DHEA contre placebo n’objective qu’une discrète amélioration de la qualité de vie liée à la santé chez la femme en insuffisance surrénale. Les situations où ce traitement pourrait être bénéfique, si elles existent, sont sans doute très limitées (4). Rappelons qu’à ce jour il n’y a pas en France de médicament mis sur le marché pour la substitution par DHEA et que cette substitution reste donc de ce point de vue du domaine expérimental.

La recherche de la substitution idéale repose donc à ce jour avant tout sur une analyse fine des données cliniques et une écoute attentive pour l’adaptation du traitement par hydrocortisone. Dans cette démarche l’éducation thérapeutique joue un rôle important bien qu’elle ne soit que peu développée en France. Les perspectives de nouvelles galéniques et des essais thérapeutiques sont attendus pour faire progresser ces traitements.

* Centre de Référence des Maladies Rares de la Surrénale, Service d’Endocrinologie, Hôpital Cochin, Paris

(1) Bergthorsdottir R, et al. Premature mortality in patients with Addison’s disease: a population-based study. The Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism 2 006 ; 91 : 4 849 – 4 853

(2) Hahner S, et al. Impaired subjective health status in 256 patients with adrenal insufficiency on standard therapy based on cross-sectional analysis. The Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism 2 007 ; 92 : 3 912 – 3 922.

(3) Arlt W, et al. Dehydroepiandrosterone replacement in women with adrenal insufficiency. The New England Journal of Medicine 1 999 ; 341 : 1 013 – 1 020.

(4) Alkatib A, et al. À Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Placebo-Controlled Trials of DHEA Treatment Effects on Quality of Life in Women with Adrenal Insufficiency. The Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism 2009; 94: 3676–3681

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr