Rapport bénéfice-risque défavorable

L’AFSSAPS suspend l’utilisation de la pioglitazone

Publié le 14/06/2011
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L’AFSSAPS a décidé en fin de semaine dernière de suspendre l’utilisation en France des médicaments contenant de la pioglitazone (Actos et Competact), sur avis de la Commission d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et de la Commission Nationale de Pharmacovigilance. La décision a été prise après que la commission a pris connaissance des résultats de l’étude réalisée par la CNAMTS, à la demande de l’AFSSAPS. Elle confirme une faible augmentation du risque de cancer de la vessie chez les patients traités par pioglitazone. Les médecins ne doivent plus prescrire cette molécule.

« Il y avait de grandes attentes sur ce dossier », a expliqué au « Quotidien », Daniel Vittecoq qui présidait la commission. « La séance s’est passée ans de bonnes conditions, dans la sérénité, alors qu’il est difficile de garder la tête froide quand on parle de rapport bénéfice-risque ».

Endocrinologues de l’Agence et spécialistes.

La réunion s’est déroulée en deux temps. La première partie était axée sur les bénéfices de la pioglitazone. Elle consistait en un rapport d’un groupe qui s’était réuni deux jours auparavant. Il était constitué des endocrinologues de l’Agence, de spécialistes (libres de conflits d’intérêt). Des représentants de l’Association Française des Diabétiques, associés à la réflexion ont exprimé l’émotion des patients et leur souhait d’une suspension de la pioglitazone. Ce groupe a fait une simulation à partir de la question que feriez-vous selon que le risque de cancer de la vessie est inférieur ou non à 20 % ?

La seconde partie a été consacrée à la présentation du rapport de la CNAM par Hubert Allemand, médecin-conseil national de l’Assurance-maladie. « Une étude de grande qualité réalisée en un temps relativement court puisque la saisine de l’Agence remonte à fin janvier dernier » commente Daniel Vittecoq.

L’enquête de la CNAM est la plus vaste réalisée sur le risque de cancer de la vessie lié à l’utilisation de la pioglitazone. Son objectif principal était d’évaluer avec précision le lien entre les deux événements. La cohorte est énorme puisque composée de près de 1,5 million de diabétiques de 40 à 79 ans, sous traitement médicamenteux. La période concernée va de 2006 à 2009. Dans cette population, 155 535 patients avaient reçu de la pioglitazone. L’analyse conforte l’existence de l’association.

Surcroît de risque de 22 %.

« En se fondant sur l’hypothèse la plus dure c’est-à-dire l’existence d’un cancer vésical traité chirurgicalement avec une chimiothérapie, le rapport conclut à surcroît de risque de 22 %, soit multiplié par 1,22, rapporte Daniel Vittecoq. Ces chiffres sont similaires à ceux obtenus aux États-Unis sur la cohorte Kaiser Permanente Northern California ». Il précise que la probabilité de cancer vésical apparaît en première approche moins importante sous pioglitazone que sous les autres thérapeutiques. Mais dès lors que les données sont ajustées selon l’âge l’augmentation du risque apparaît significative, liée, en outre, avec la durée d’exposition à la molécule. L’étude a également montré une divergence selon le sexe. « Chez les hommes le risque est estimé à 1,8 ». Il n’existe quasiment pas chez les femmes traitées. Ce sexe ratio a créé une interrogation : celle d’un lien avec le tabac. « Même si l’on sait bien que le tabagisme féminin rattrape celui des hommes », ajoute le président de la commission. Dès lors, en l’absence de données sur le tabagisme des patients, une corrélation avec les cancers liés au tabac (poumon et ORL) a été réalisée. En l’absence d’augmentation de leur fréquence, l’hypothèse d’une origine exogène a pu être rejetée.

À la suite de la discussion concluant la présentation, une proposition de suspension d’utilisation de la pioglitazone a été votée. Elle a conduit à la décision prise par l’Agence.

Il n’est pas conseillé aux patients d’arrêter leur traitement, mais de consulter leur médecin traitant afin d’envisager une alternative thérapeutique. Il est demandé aux praticiens de cesser de prescrire la molécule. Une tendance constatée depuis un courrier adressé aux médecins : les prescriptions ont diminué de25 %.

Dr G. B.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8981