DANS UN premier temps le Pr Bruno Vergès a ré-analysé les résultats de ACCORD, étude qui a été interrompue début 2008 en raison d’un plus grand nombre de décès dans le groupe intensif (257 versus 203 dans le groupe standard, RR = 1,35, p = 0,002). Dans un premier temps on a expliqué cette surmortalité par un contrôle trop agressif à l’origine de plus fréquentes hypoglycémies sévères et d’une prise de poids excessive (+3,5 kg). « Certes, reconnaît le Pr Vergès, les hypoglycémies sévères sont plus fréquentes dans l’étude ACCORD (16 %) que dans l’étude ADVANCE (2,7 %) et il n’y a pas de prise de poids dans le groupe intensif de cette dernière étude. Mais, poursuit-il, on constate que la surmortalité touche surtout les patients dont le taux d’HbA1c est resté plus élevé ; de plus, dans ACCORD, les hypoglycémies majeures s’observent surtout pendant les deux premières années, et la surmortalité plus tardivement. C’est donc la mauvaise réponse au traitement qui est dangereuse dans ACCORD ».
Les spécificités de l’étude ACCORD.
Reste à expliquer ce phénomène : s’agissait-il de diabètes plus difficiles à équilibrer ? Des patients ayant un profil psychologique particulier, et/ou particulièrement inobservants ? « Peut-être, poursuit le Pr Bruno Vergès, mais les conditions dans lesquelles les malades ont été suivis – relativement standardisées, conduisent à penser que l’on n’a pas tenu compte de toutes les contre-indications, que l’on a pas toujours choisi les bonnes associations et les bons dosages. » En tout cas on est impressionné par la place prise par la polythérapie : 95 % des patients sont sous metformine, 92 % sous glitazones, 78 % sous sulfamides, 77 % sous insuline. On remarque surtout le nombre élevé des patients sous glitazone et sous insuline et le fait que les associations ont été effectuées très (trop) rapidement, de façon quasi mécanique, et pas toujours par des médecins. Dans ces conditions, on peut imaginer que le respect des contre-indications des molécules et de leurs associations n’a pas toujours été le cas. En un mot il n’est pas dangereux de faire baisser la glycémie mais il faut choisir les bonnes armes. Ce que montre l’étude ADVANCE dont le protocole correspond davantage à la vie réelle, à la prise en charge du diabète dans notre pays : c’est le médecin qui décide progressivement, d’augmenter les doses du médicament de base, en l’occurrence, le gliclazide, avant d’ajouter éventuellement un ou plusieurs autre(s) médicament(s) (seulement 17 % des patients de l’étude ADVANCE sont sous glitazones et 40 % sous insuline). Le résultat est parlant, un effet statistiquement significatif sur le critère principal, les événements micro et macrovasculaires majeurs (-10 %, p = 0,01) mais aussi sur les complications microvasculaires (-14 %, p = 0,014) et tout particulièrement l’apparition ou l’aggravation d’une néphropathie (-21 %, p = 0,006). De plus, si la tendance à une mortalité cardio-vasculaire plus faible n’est pas significative dans le groupe intensif il n’y a, en tout cas, pas de surmortalité comme dans ACCORD. Enfin la tolérance est bien meilleure (pas de prise de poids, faible incidence des hypoglycémies majeures).
Le pragmatisme des praticiens.
Pour les généralistes présents ces données confortent leurs habitudes de prise en charge du diabète de type 2, avec une intégration mais aussi une adaptation, des résultats d’essais cliniques et des recommandations à la réalité du terrain, aux profils somatiques et psychosociaux des patients.
Dans bien des cas, les seuils fixés, particulièrement exigeants chez le diabétique paraissent un peu académiques, pas faciles à atteindre chez des patients rétifs, mais aussi potentiellement délétères, en particulier chez le sujet âgé (pour lesquels beaucoup de praticiens se contentent du seuil standard pour la glycémie mais aussi pour la pression artérielle et les lipides). En n’oubliant pas qu’in fine c’est le patient qui décide ou non de se prendre en charge (au gré de sa motivation et de ses informations fort diverses). Le médecin ne peut que lui dire et lui répéter que le contrôle intensif de la glycémie est bénéfique aux plans micro et même macrovasculaires et qu’il n’est pas dangereux. Un message de prévention qu’il n’est pas facile de faire passer dans notre pays.
(1) Réunion organisée avec le soutien des Laboratoires Servier.
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points