Le diabète de type 1 chez l'enfant : une réalité mal connue et un diagnostic souvent tardif

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Publié le 14/11/2017
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diabete enfant

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Crédit photo : PHANIE

À l'occasion de la journée mondiale du diabète, ce 14 novembre, le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») de Santé publique France met le projecteur sur l'incidence du diabète de type 1 (DT1) chez les enfants, une donnée jusqu'ici mal renseignée en l'absence de registre national. Certaines données suggèrent toutefois que l'incidence aurait doublé en France comme en Europe en 30 ans.

L'étude de Clara Piffaretti et coll. donne, pour la première fois en France, une estimation de l'incidence en France du DT1 chez les enfants, à partir du système national des données de santé (SNDS). Entre 2013 et 2015, 6 424 enfants de 6 mois à 14 ans (2 008 en 2013, 2 130 en 2014, et 2 286 en 2015) ont été identifiés comme nouvellement atteints de DT1, 3 411 garçons et 3 013 filles. Le taux d'incidence est de 18 pour 100 000 personnes-années en France (18,6 chez les garçons, et 17,3 chez les filles). Ce taux d'incidence augmente en fonction de l'âge, de 13,5 pour les moins de 4 ans, à 23,5 entre 10 et 14 ans, et de 12,5 chez les plus petites, jusqu'à 20,1 pour les adolescentes. 

Les auteurs soulignent l'importance des variations régionales, avec des taux d'incidence bas en Guyane (3,6), Guadeloupe (12,2) et à La réunion (14,2) mais aussi en métropole, dans les Pays-de-la-Loire (15,8), la Nouvelle-Aquitaine (16,8) et la Normandie (16,9). À l'inverse, les Hauts-de-France (19,7), la Provence-alpes côté d'Azur (21,1) et la Corse (21,7) accusent les plus forts taux d'incidence. Les raisons sont multiples et pour partie, encore méconnues. Et les auteurs de suggérer le lancement d'analyses environnementales pour explorer l'hypothèse d'un lien entre facteurs environnementaux et survenue du DT1.

Forts de ces premiers résultats, inédits au niveau national, les auteurs estiment que des adaptations du système de santé doivent être encouragées, tant en termes d'organisation des soins que de programme de prévention. 

Des campagnes de prévention à renouveler 

Comment prévenir ? La tâche n'est pas simple, illustre l'article du Pr Jean-Jacques Robert, décédé quelques semaines avant la publication de ce « BEH » qui lui est dédié. 

Hommage au Pr Jean-Jacques Robert

« Professeur de pédiatrie internationalement reconnu, il était un défenseur infatigable de la cause des enfants ayant un diabète, et en particulier de l'éducation thérapeutique du patient », au sein de l'hôpital Necker-Enfants malades, à la présidence de l'Aide aux jeunes diabétiques et au sein de l'International Society for pediatric and adolescent diabetes (ISPAD), salue dans l'éditorial Marc de Kerdanet, président de l'AJD, et responsable de l'unité d'endocrinologie et diabétologie pédiatriques du CHU de Rennes. 

Le Pr Robert et coll. ont évalué les effets d'une campagne d'information grand public destinée au grand public et aux professionnels de santé, pour prévenir l'acidocétose au diagnostic du DT1. Il y a 20 ans, la fréquence de l'acidocétose au moment du diagnostic était de 48 % en France et quatre à six jeunes en décédaient chaque année. 

La campagne, lancée en 2009, a consisté à diffuser une fiche diagnostique aux pédiatres, et une affiche à apposer dans les salles d'attente des cabinets de pédiatrie et dans les écoles (qui interpelle sur la polyurie-polydispie et l'énurésie). En parallèle, ont été organisées des conférences de presse et des communications dans la presse et à la télévision. Des questionnaires ont été soumis aux généralistes pour évaluer leurs connaissances et pratiques. 

La fréquence de l'acidocétose a été réduite les deux années qui ont suivi la campagne, preuve de son intérêt. Cette diminution est accentuée dans quelques régions qui ont développé des campagnes d'envergure sur plusieurs semaines : en Midi-Pyrénées, la fréquence de l'acidocétose sévère a baissé de 20 à 2,7 % ; en Franche-Comté (où les généralistes ont été particulièrement ciblés), les fréquences de l'acidocétose, et de sa forme sévère sont tombées respectivement de 61 % à 40 %, et de 25 à 13 %. 

Mieux informer généralistes et pédiatres   

Mais l'effet de ces campagnes disparaît au bout de deux ans, même dans ces régions proactives, déplorent les auteurs. Les réponses des généralistes au questionnaire révèlent, en outre, leur méconnaissance des spécificités du DT 1 chez l'enfant et l'adolescent, en particulier l'urgence d'établir le diagnostic et le traitement. « Il ne faudrait plus entendre des parents rapporter qu'il leur a été proposé une consultation chez un psychologue pour potomanie ou énurésie alors que tous les signes du diabète étaient là », lit-on. Une nouvelle campagne a été lancée pour 2016-2018, davantage ciblée sur l'information des médecins libéraux. Ses résultats devraient permettre d'ajuster les stratégies d'information des différents acteurs pour mieux prévenir les retards au diagnostic.  

Mieux prévenir « serait une opportunité de réorienter les dépenses vers les actions d'éducation thérapeutique des jeunes patients et de leurs familles pour les aider à mieux vivre le diabète », commente le Dr de Kerdanet. « Une amélioration significative dans ce domaine serait un hommage à la pugnacité et aux valeurs » du Pr Robert, conclut-il. 


Source : lequotidiendumedecin.fr